L'éducation protège la santé, retarde l'activité sexuelle
Une bonne éducation sexuelle aide les jeunes à établir leur système de valeurs, à éviter les comportements à risque et à améliorer leurs pouvoirs de négociation.
De nombreux jeunes deviennent sexuellement actifs avant d'avoir obtenu une éducation sexuelle quelconque. Ce manque d'information les met à risque de grossesse non planifiée et de maladies sexuellement transmissibles (MST). L'éducation sexuelle peut aider ces jeunes à éviter de tels problèmes et à améliorer leur santé reproductive à l'avenir.
Plusieurs études ont montré que l'éducation sexuelle peut effectivement aider à repousser l'échéance des premiers rapports sexuels chez les adolescents. Chez les jeunes déjà sexuellement actifs, voire déjà mariés, l'éducation sexuelle peut encourager l'utilisation efficace et régulière des moyens de contraception et de protection contre les MST. Selon les recherches effectuées, la présomption qui veut que l'éducation sexuelle risque de promouvoir l'activité sexuelle semble être sans fondement.
Les programmes d'éducation sexuelle les plus efficaces sont ceux qui vont au-delà des simples informations sur la santé reproductive ; ils offrent aussi aux jeunes les moyens d'améliorer leur capacité de communication et de négociation, de se fixer des priorités, et le cas échéant, de modifier leur comportement lorsque celui-ci est à risque.
Selon le docteur Cynthia Waszak, chercheur de FHI et experte en matière de la santé des adolescents : "Une éducation sexuelle de base est importante pour les jeunes, au même titre que l'est l'éducation de base en matière de santé générale. Souvent, les programmes d'éducation sexuelle sont les seuls endroits où les jeunes peuvent obtenir des informations précises sur la santé reproductive. Ces programmes d'éducation sexuelle peuvent être leur seul moyen d'apprendre les compétences qui permettent de maintenir une bonne santé reproductive."
Manque d'informations
La désinformation et les malentendus à propos de la planification familiale et les risques de MST font légion chez les jeunes adultes. En Jamaïque, par exemple, des recherches menées conjointement par la University of the West Indies et par FHI, dans le cadre de son programme d'études sur les femmes, ont déterminé qu'un groupe d'adolescents en particulier n'avait que peu d'informations correctes sur les questions de santé reproductive. L'étude concernait environ 500 étudiants, âgés de 11 à 14 ans, qui commençaient un programme d'éducation à la vie familiale mené à l'école et destiné à repousser l'échéance des premières grossesses. Les étudiants de ce groupe étaient considérés à haut risque d'activité sexuelle précoce.
Bien que 52 pour cent des filles et 77 pour cent des garçons aient su que les préservatifs pouvaient protéger contre les MST, seulement 4 pour cent des filles et 10 pour cent des garçons savaient que les risques de grossesse étaient plus élevés au milieu du cycle menstruel de la femme. Seulement 27 pour cent des filles et 32 pour cent des garçons savaient qu'il était possible de tomber enceinte dès le premier rapport sexuel, et à peu près 15 pour cent des filles et des garçons pensaient que les contraceptifs oraux pouvaient protéger contre les MST. Ces étudiants seront à nouveau interrogés à deux reprises : dès la fin du programme d'éducation à la vie familiale, puis encore un an plus tard afin de juger de l'influence du programme du point de vue des connaissances, des attitudes et des comportements de chacun.1
Des études sur les jeunes entreprises dans d'autres parties du monde ont démontré un manque d'information similaire. En Inde, sur 100 filles venues à l'hôpital pour obtenir un avortement, 80 ignoraient que les rapports sexuels étaient la cause des grossesses et des MST, et 90 d'entre elles ignoraient l'existence même des moyens de contraception.2
Une enquête sur les connaissances des adolescents en matière de sida, menée auprès de 370 étudiants russes, a démontré que seulement 25 pour cent des filles et 35 pour cent des garçons savaient que les préservatifs ne devaient être utilisés qu'une seule fois. Trente-huit pour cent des étudiants pensaient, à tort, que les préservatifs pouvaient être lavés et réutilisés plusieurs fois.3 Au Chili, où 948 étudiants d'école publique venus des quartiers les plus pauvres de Santiago étaient interrogés, 57 pour cent des garçons et 59 pour cent des filles pensaient que les préservatifs pouvaient être réutilisés. Soixante-dix-sept pour cent des étudiants ignoraient quelles étaient les périodes de fécondité et d'infécondité du cycle menstruel de la femme.4
Le manque d'informations peut être l'une des raisons pour lesquelles l'utilisation des méthodes de planification familiale chez les adolescents reste généralement faible. Par exemple, selon les données réunies par le Population Reference Bureau (PRB) en Amérique du Sud, seulement 43 pour cent des jeunes femmes mariées, âgées de 15 à 19 ans, se servent de moyens de contraception. Parmi les femmes célibataires et sexuellement actives, 29 pour cent utilisent des contraceptifs. En Afrique occidentale, 5 pour cent des adolescentes mariées utilisent des méthodes de planification familiale, comparé à 34 pour cent chez les adolescentes célibataires et sexuellement actives. Dans le sud-est asiatique, 36 pour cent des adolescents mariés utilisent des méthodes de contraception, comparé à 28 pour cent chez les adolescents célibataires.5
L'évaluation de l'éducation sexuelle
Evaluer l'impact des programmes d'éducation sexuelle sur les connaissances et le comportement des adolescents a été problématique. Le contenu de ces programmes varie, ce qui rend leur comparaison difficile. De surcroît, le caractère personnel des questions posées risque d'entraîner une certaine réticence de la part des jeunes à répondre honnêtement. Plus est, les chercheurs ont du mal à isoler les effets des programmes d'éducation sexuelle d'autres sources d'information, telles que les médias ou les parents.
Cependant, des évaluations effectuées parmi des jeunes adultes des pays en développement ainsi que ceux des pays industrialisés démontrent que les programmes d'éducation sexuelle formelle (c.-à-d. qu'ils sont structurés comme des cours traditionnels) peuvent améliorer les connaissances en matière de santé reproductive et faciliter une utilisation correcte des méthodes en vue de protéger contre les grossesses et les MST.
Une étude menée à Banjul, en Gambie, a démontré que le niveau des connaissances en matière de contraception était plus élevée chez les adolescents qui avaient assisté aux programmes d'éducation à la vie familiale (EVF) que chez les autres. Parallèlement, l'utilisation des contraceptifs lors des premiers rapports sexuels était plus élevée chez les femmes ayant assisté aux programmes d'EVF.6
En Tanzanie, un programme scolaire pour les jeunes de 13 à 15 ans a démontré une amélioration des connaissances à propos du sida et une diminution du nombre d'étudiants qui comptaient avoir des rapports sexuels dans un avenir proche.7
Aux Etats-Unis, une étude rétrospective de 8.450 femmes âgées de 15 à 44 ans tentait d'établir le rapport entre l'éducation sexuelle et l'utilisation de contraceptifs lors des premiers rapports sexuels. Les femmes ayant bénéficié d'instructions formelles sur l'utilisation des contraceptifs avant qu'elles n'aient eu leurs premiers rapports sexuels allaient plus vraisemblablement utiliser un moyen de contraception. Les femmes étaient moins susceptibles d'utiliser un moyen de contraception lorsqu'elles avaient reçu ces informations l'année même du début de leurs activités sexuelles.8 Une étude de 1.800 jeunes hommes de 15 à 19 ans menée aux Etats-Unis a démontré que chez ceux qui avaient bénéficié d'une éducation formelle sur le sida et la planification familiale, il y avait une diminution du nombre de partenaires sexuels, et une croissance d'utilisation régulière des préservatifs.9
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a récemment publié une analyse effectuée sur 1.050 articles scientifiques visant les programmes d'éducation sexuelle. Les chercheurs n'ont trouvé "aucun fondement aux allégations voulant que l'éducation sexuelle encourage l'expérimentation sexuelle, et qu'elle engendre un accroissement de l'activité sexuelle. S'il existe des liens quelconques, ceux-ci mènent sans exception vers un retardement des premiers rapports et/ou vers l'utilisation efficace des contraceptifs." A défaut d'offrir les informations appropriées au moment opportun, "nous manquons l'occasion de limiter les résultats néfastes des grossesses non planifiées et de limiter la transmission des MST, rendant ainsi un mauvais service à nos jeunes", dit le rapport d'étude.10
Selon le rapport de l'OMS, les jeunes ont besoin de recevoir deux types de messages de la part des programmes d'éducation sexuelle : l'un visant ceux qui n'ont pas encore eu de rapports sexuels, l'autre à l'attention de ceux qui sont déjà sexuellement actifs. Puisque certains jeunes ont déjà des rapports sexuels à l'âge tendre de 12 ans, le rapport a également recommandé que les programmes d'éducation sexuelle commencent bien avant cet âge. Bien que le but de nombreux programmes d'éducation sexuelle soit de limiter la fréquence des grossesses non planifiées, l'OMS recommande que ces programmes soient également orientés vers les moyens de réduire la fréquence de rapports sexuels non protégés, car les adolescents qui ont des rapports non protégés sont aussi susceptibles de contracter des MST que de faire des grossesses non planifiées.
Certaines études ont démontré les avantages offerts par les programmes d'éducation sexuelle, d'autres ont donné des résultats médiocres. Une étude à St. Kitts-Nevis dans l'est des Caraïbes a comparé les étudiants qui suivaient des cours d'éducation sexuelle à ceux qui n'en suivaient pas. Le cours, qui avait lieu deux fois par semaine pendant 26 semaines, comprenait des informations sur la reproduction et la contraception, le développement émotionnel, et la sexualité. Les étudiants ont rempli un questionnaire avant de commencer le cours, puis un autre à sa fin. Près du tiers des étudiants sexuellement actifs disaient qu'ils utilisaient des contraceptifs avant de prendre le cours d'éducation sexuelle, pourcentage qui n'a que peu évolué par la suite.11
Les programmes qui insistent sur l'abstinence comme seul moyen d'éviter les MST et les grossesses non planifiées semblent avoir très peu d'effet. Une étude a suivi 320 étudiants participant à un programme qui recommandait l'abstinence comme seule option pour les jeunes célibataires. Les chercheurs ont découvert une augmentation d'activité sexuelle chez les jeunes inscrits au programme. Par contre, aucun changement dans l'activité sexuelle n'a été décelé chez les jeunes qui ne participaient pas à ce programme visant l'abstinence sexuelle.12
Network, Printemps 1997, Volume 17, Numéro 3 .
© Copyright 1999, Family Health International (FHI)
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