Mise à jour sur la contraception : Une étude de FHI examine l'effet du N-9 sur les MST
Une étude effectuée sur deux ans par FHI a conclu que le film vaginal contenant du spermicide ne présente aucun danger, mais qu'il ne confère aux femmes aucune protection supplémentaire contre le VIH, la blennorragie ou les infections à Chlamydia, au-delà de la protection conférée par les préservatifs.
Cette étude a été menée par FHI au Cameroun avec la collaboration du ministère de la Santé publique de ce pays. La recherche avait pour but d'évaluer un film spermicide à base de nonoxynol-9 (N-9) mais ne cherchait pas à déterminer si cette méthode contraceptive utilisée seule assurait une protection contre les MST. L'équipe des chercheurs était dirigée par Ronald E. Roddy, épidémiologiste de FHI, et Léopold Zekeng, spécialiste du VIH au ministère camerounais.
Le préservatif en latex offre le plus haut degré de protection aux personnes à risque, mais il est impossible pour beaucoup de femmes de persuader leurs partenaires d'en utiliser un. FHI estime qu'il est urgent de mettre au point des moyens de protection qui puissent être utilisés et contrôlés par la femme.
"Malheureusement, ce n'est pas une bonne nouvelle pour les femmes, puisque nous espérions que le N-9 pourrait élargir leurs options en matière de protection contre le VIH", a déclaré le docteur Willard Cates, vice-président de FHI chargé des affaires biomédicales. "Nous devons accélérer la recherche axée sur l'invention de nouvelles méthodes qui soient destinées aux femmes à risque de VIH et d'autres MST." Le VIH est le virus qui cause le sida.
Très répandu dans le monde entier, le N-9 se présente sous de nombreuses formes : on le trouve dans les mousses, les gelées, les ovules et les crèmes. Ainsi les utilisatrices du diaphragme enduisent-elles généralement le dispositif d'une crème ou d'une gelée à base de N-9, et certains lubrifiants de préservatifs en latex contiennent aussi ce spermicide. Aucun de ces autres produits n'a été examiné par l'étude en question, qui concernait exclusivement les femmes et n'a pas cherché à déterminer si le N-9 protégeait aussi les hommes.
Cette étude bénéficiait d'une bourse de 1,6 million de dollars de l'Institut national des maladies allergiques et infectieuses (NIAID). "Le préservatif, utilisé correctement et systématiquement, est une méthode très efficace. Mais les femmes doivent dépendre de la volonté de leur partenaire pour l'utilisation du préservatif masculin", explique le docteur Rodney Hoff du programme de prévention du sida de NIAID. "Les responsables de la santé publique et nous-mêmes nous sommes engagés à mettre au point une méthode de prévention des MST et du sida qui puisse être contrôlée par la femme. Cette étude constitue une partie de cet effort continu."
FHI considère que c'est l'étude la plus complète jamais réalisée à ce jour sur le N-9 et sur le rôle des spermicides dans la protection des femmes contre les MST. Les conclusions de l'étude mettent en doute l'intérêt supplémentaire apporté par l'utilisation du film imprégné de N-9 comme agent prophylactique contre les MST en association avec un préservatif. Mais elles ne modifient en rien le conseil donné par FHI aux individus à risque d'infection par le VIH ou d'autres MST : il faut utiliser le préservatif en latex correctement et systématiquement. Beaucoup de femmes ont une autre option : elles peuvent recourir au préservatif féminin, qui peut éventuellement les protéger contre les MST si elles s'en servent correctement et systématiquement. L'abstinence sexuelle ou une relation mutuellement monogame entre partenaires non infectés demeurent les moyens les plus fiables de se prémunir contre les MST.
Les études effectuées antérieurement sur le N-9, à plus petite échelle, portaient à croire que ce spermicide pouvait éventuellement réduire le risque de MST d'origine bactérienne, mais elles n'avaient pas abouti à des résultats concluants quant à l'action du N-9 en matière de prévention du VIH. La toute dernière étude a été réalisée entre mars 1995 et décembre 1996 auprès de 1.292 prostituées camerounaises qui s'étaient portées volontaires pour participer à l'étude dans les dispensaires. Seules les femmes séronégatives pour le VIH au moment de leur admission à l'étude avaient le droit d'y participer. Parmi les sujets volontaires dont la participation durait jusqu'à la fin de l'étude, 478 avaient reçu un film contraceptif à base de N-9 et 463 un film placebo qui ne contenait pas de spermicide.
Toutes les femmes qui ont demandé à participer à l'étude ont bénéficié de counseling pendant lequel elles ont été encouragées à arrêter leurs activités de prostitution en raison du risque très important d'infection par le VIH ou d'autres MST que celles-ci occasionnent.
Les participantes volontaires qui restaient à risque ont reçu des préservatifs et elles ont été encouragées à les utiliser à chaque rapport sexuel. Elles se faisaient réapprovisionner régulièrement en préservatifs, étaient examinées une fois par mois, et traitées en cas d'infection.
"Le personnel de l'étude camerounaise a vivement exhorté les volontaires à adopter des comportements sexuels moins dangereux", a souligné le docteur Zekeng. Les volontaires des villes de Yaoundé et de Douala ont bénéficié d'un counseling minutieux et on leur a demandé de revenir une fois par mois [dans un dispensaire] pour être suivies sur le plan médical. FHI est convaincu que cela a considérablement réduit les risques auxquels elles auraient été normalement exposées. "On a aidé les participantes à adopter des comportements visant la protection, ce qui a réduit leur taux d'infection de plus de 50 pour cent", a ajouté Zekeng.
Parmi les femmes qui ont participé à l'étude jusqu'à la fin, on a comparé les résultats obtenus en cas d'utilisation du film au N-9 et de préservatifs, ce qui représentait 147.996 rapports sexuels, et les résultats obtenus en cas d'utilisation du film placebo et de préservatifs, soit 146.942 rapports. Le taux de transmission du VIH était sensiblement le même dans les deux groupes. Parmi 100 femmes qui utilisaient le film au N-9 et un préservatif pendant un an (100 années-femmes), 6,7 ont contracté le VIH, contre 6,6 parmi les utilisatrices du film placebo et des préservatifs.
A titre de comparaison, le taux d'infection par blennorragie était de 33,3 pour 100 années-femmes chez les utilisatrices du N-9 et des préservatifs, contre 31,1 chez les autres. Le taux d'infection à Chlamydia était de 20,6 pour 100 années-femmes en cas d'utilisation du N-9 et des préservatifs, contre 22,2 en cas d'utilisation du film placebo et des préservatifs.
En théorie, on se demande si l'utilisation fréquente de N-9 ne pourrait pas accroître le risque d'infection par les MST, puisque l'usage fréquent de ce produit chimique peut entraîner des ulcérations susceptibles de favoriser la transmission de ces maladies. Les participantes à l'étude ont déclaré utiliser le film plus fréquemment que la plupart des autres femmes qui ont recours au N-9. Cette étude n'a pas mis en évidence un risque accru de VIH ou d'autres MST qui serait lié à l'utilisation du film, encore que des lésions génitales (ulcérations) aient été légèrement plus courantes parmi les utilisatrices du N-9. On a dénombré 42,2 lésions pour 100 années-femmes parmi les utilisatrices du N-9 et des préservatifs, contre 33,5 lésions parmi les utilisatrices du film placebo et des préservatifs.
L'étude comporte certaines limitations. Comme le bien-être des femmes était primordial, on les a exhortées à utiliser un préservatif à chaque rapport sexuel, seule méthode reconnue de protection. Peu de femmes ayant déclaré avoir utilisé le film sans préservatif, l'étude ne peut pas décider de façon concluante si le film au N-9, employé seul, protège contre le VIH ou les autres MST.
Dans le monde entier, environ les deux tiers de tous les individus séropositifs vivent en Afrique sub-saharienne. L'un des avantages de l'étude a été de démontrer que la recherche sur la prévention du VIH parmi les individus à haut risque d'infection peut se faire dans le respect du code déontologique.
Le film utilisé pour cette étude est fabriqué par la Apothecus Pharmaceutical Corp., société pharmaceutique basée à Oyster Bay dans l'Etat de New-York, et commercialisé sous le nom "VCF Vaginal Contraceptif Film".
Le film contraceptif au N-9 et le risque de MST
Les questions et les réponses ci-après regroupent celles posées le plus couramment sur le N-9 à titre d'informations générales, sur l'étude récente effectuée conjointement par Family Health International et le ministère camerounais de la Santé publique, et sur ses conséquences pour la politique en matière de santé publique.
Informations générales
Qu'est-ce que le nonoxynol-9 (N-9) ?
Le nonoxynol-9 (N-9) est un produit chimique de type détersif qui est utilisé depuis plus de 40 ans dans les produits vaginaux pour prévenir la grossesse. Le N-9 empêche la survenue de la grossesse en perturbant l'enveloppe extérieure des spermatozoïdes, ce qui entraîne leur mort. Comme il détruit les spermatozoïdes, le N-9 est classé parmi les spermicides.
Quels produits contiennent du N-9 ?
Aux Etats-Unis, le N-9 se trouve dans divers spermicides vaginaux, y compris les gelées, les crèmes, les mousses, les ovules et les films. Certains de ces produits sont censés être utilisés seuls, tandis que d'autres doivent être utilisés en association avec un diaphragme ou une cape cervicale. Dans d'autres pays, on trouve aussi le N-9 dans les comprimés spermicides qui produisent de la mousse. Le N-9 est aussi ajouté à certains préservatifs lubrifiés.
Tous les spermicides contiennent-ils du N-9 ?
Non, mais ce spermicide est à la base de la plupart des produits spermicides vendus aux Etats-Unis. Parmi d'autres spermicides d'utilisation courante à travers le monde on trouve le menfégol, produit chimique à la base des comprimés moussants aux spermicides (d'usage très répandu en Asie), ou le chlorure de benzalkonium (BZK), ingrédient qui entre couramment dans la composition des produits fabriqués en France.
L'utilisation du N-9 comme contraceptif est-elle sans risque ?
Oui. En 1980, en s'appuyant sur 30 années d'expérience clinique, la U.S. Food and Drug Administration (FDA) a déterminé que le N-9 était un contraceptif vaginal efficace et sans danger. L'innocuité du N-9 aux fins d'utilisation vaginale a été établie sur la base d'essais effectués chez l'animal et sur le manque de réactions locales sévères rapportées chez l'être humain tout au long des dizaines d'années écoulées depuis que les produits spermicides contenant du N-9 sont utilisés. Chez certaines femmes, le N-9 provoque des démangeaisons et des brûlures vaginales, qui disparaissent dès qu'elles cessent d'utiliser ce produit. En outre, le N-9 peut aussi provoquer des symptômes analogues chez leurs partenaires sexuels masculins.
Résultats de l'étude camerounaise
Pourquoi les scientifiques s'intéressent-ils au N-9, qui est un contraceptif, comme méthode de prévention des MST ?
En laboratoire, le N-9 peut détruire le VIH et les agents pathogènes d'autres MST en perturbant l'enveloppe extérieure des virus et des bactéries qui provoquent ces maladies. De surcroît, des études à petite échelle réalisées auprès d'utilisateurs du N-9 ont suggéré que ce contraceptif pourrait effectivement conférer une protection contre certaines MST. Toutefois, la capacité du N-9 à prévenir le VIH et d'autres infections chez l'être humain n'a pas fait l'objet d'études rigoureuses.
L'utilisation du N-9 comme moyen de prévention des MST soulève une autre question, à savoir si l'usage fréquent de ce produit, ou son usage à concentration élevée, ne pourrait pas accroître le risque de transmission des MST. Son utilisation dans l'une ou l'autre de ces conditions peut en effet irriter les cellules qui tapissent le vagin et le col de l'utérus (perturbation épithéliale) ; théoriquement, l'inflammation qui en résulte pourrait créer un terrain propice à la pénétration du VIH ou d'autres micro-organismes.
Qu'a conclu l'étude faite conjointement par FHI et le Cameroun quant à l'effet du N-9 sur les infections par MST ?
Cette étude d'une durée de deux ans a conclu que l'utilisation du film au N-9 en association avec un préservatif ne confère pas de protection supplémentaire aux femmes contre le VIH, la blennorragie ou la Chlamydia, en sus de celle qui leur est déjà conférée par le préservatif. En outre, l'étude a conclu que l'utilisation du N-9 n'accroissait pas le risque d'infection par ces MST. Cependant, elle ne pouvait pas déterminer si le film spermicide utilisé seul conférait une protection contre ces maladies.
Comment l'étude s'est-elle déroulée pour aboutir à ces conclusions ?
L'étude portait sur 1.292 prostituées camerounaises qui s'étaient portées volontaires pour y participer dans des dispensaires entre mars 1995 et décembre 1996. Toutes les femmes désireuses d'y participer ont été vivement encouragées à renoncer à leur comportement à risque (multiplicité des partenaires), puisque cela leur faisait courir un risque très élevé d'infection par MST. Celles qui ont choisi de conserver leur comportement à risque et qui ont été admises à participer à l'étude ont reçu des préservatifs fréquemment et elles ont été exhortées à les utiliser lors de chaque rapport sexuel.
Pour participer à l'étude, les femmes devaient être séronégatives pour le VIH au moment de leur admission. On a demandé aux participantes d'utiliser soit le film au N-9, soit un placebo (film sans ingrédient actif) avant tout rapport sexuel. On leur a expliqué la différence entre les deux films, mais les participantes ne savaient pas lequel des deux elles utilisaient. Elles ont été suivies régulièrement pour évaluer toute possibilité d'infection par le VIH ou par d'autres MST et on les a interrogées sur les symptômes éventuellement imputables au film.
Sur l'ensemble des sujets volontaires, 478 utilisatrices du film à base de N-9 et de préservatifs ainsi que 463 utilisatrices de préservatifs et du film placebo ont participé à l'étude jusqu'à la fin. En procédant à une analyse statistique minutieuse qui tenait compte de nombreux facteurs, dont le nombre de rapports sexuels et le nombre de fois où un préservatif avait été utilisé, les auteurs de l'étude ont déterminé le taux de transmission des MST dans chacun des deux groupes et ils ont comparé les résultats obtenus.
Les participantes à l'étude ont-elles été rémunérées ?
Non. Les participantes ont bénéficié de la gratuité des soins médicaux, du counseling, des préservatifs et du film vaginal, avec ou sans N-9, et elles ont été remboursées de leurs modestes frais de déplacement occasionnés par les visites au dispensaire.
Qui a mené cette étude ?
Cette étude a été menée par des chercheurs du ministère camerounais de la Santé publique et de Family Health International, organisme de recherche à but non lucratif qui se spécialise dans la santé de la reproduction. Elle était parrainée par l'Institut national américain des maladies allergiques et infectieuses (NIAID).
Qui a approuvé cette étude ?
L'importance scientifique de l'étude a été examinée et approuvée par un groupe de scientifiques ne relevant pas du secteur public et qui en ont recommandé le financement par le NIAID. Avant que l'étude ne soit mise en route, son protocole a été examiné et approuvé par des comités déontologiques du Cameroun et de Family Health International. A FHI, un Comité pour la protection des sujets d'études humains suit toutes les recherches faites sur l'homme. Les huit membres de ce comité qui ont un droit de vote ne sont pas employés par FHI et ils viennent de divers horizons, dont le droit, la défense du consommateur et le clergé.
En outre, le NIAID a examiné l'étude pour s'assurer qu'elle se conformait à la réglementation du gouvernement des Etats-Unis relative à la recherche biomédicale. Pour s'assurer que l'étude se déroulait dans le respect du code déontologique et que les volontaires n'étaient pas exposées à des risques excessifs, les résultats intermédiaires recueillis tout au long de la recherche ont été passés en revue par le comité indépendant du NIAID chargé de surveiller les données et d'assurer la sécurité, comité composé de scientifiques provenant d'universités et d'autres institutions non concernées par l'étude. L'aval de l'U.S. Food and Drug Administration n'a pas été sollicité parce que le fabricant du film ne cherchait pas à obtenir l'accord de cet organisme à des fins préventives contre le VIH.
Qui a assumé la responsabilité financière de cette étude et combien a-t-elle coûté ?
L'étude a été financée par un don de 1,6 million de dollars provenant de l'Institut national américain des maladies allergiques et infectieuses (NIAID). L'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et la fondation Mellon ont apporté l'aide financière nécessaire à l'élaboration de l'étude.
Network, Printemps 1997, Volume 17, Numéro 3 .
© Copyright 1999, Family Health International (FHI)
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