Sexualité : la contraception masculine
Éternelle Arlésienne, la contraception masculine tarde à se mettre en place. La demande sociétale est pourtant forte. Où en sommes-nous ?
Chéri, tu as bien pris ta pilule ?
C’est une première. En octobre 2021, la bande dessinée « les Contraceptés » aborde un sujet inédit : la contraception masculine. Objectif : comprendre pourquoi malgré l’annonce régulière d’une « pilule pour homme », cette dernière n’a toujours pas vu le jour. En effet, si l’on en croit un récent sondage 20 Minutes/OpinionWay, tandis que les femmes sont de plus en plus méfiantes vis-à-vis des hormones, l’idée que le fardeau de la contraception puisse être porté aussi par les hommes fait son chemin. En particulier dans les jeunes générations.
Si socialement l’idée d’une contraception masculine avance à grands pas, scientifiquement le chemin est encore long avant que celle-ci soit réellement disponible. « Nous avons soixante ans de retard en matière de recherche sur la contraception masculine » résume le Dr Antoine Faix.
Des méthodes hasardeuses ou définitives, le choix est réduit !
Actuellement si la femme n’est pas protégée — par choix, ou parce qu’elle ne supporte aucun mode de contraception — les possibilités pour son conjoint de l’aider à éviter une grossesse non désirée ne sont pas légion. Le préservatif, à condition qu’il soit bien utilisé, dispose d’un bon indice de Pearl. C’est également une barrière efficace contre les IST. Les méthodes naturelles comme le retrait ou l’abstinence temporaire (dite méthode Ogino) sont beaucoup plus aléatoires. « Le préservatif demeure la contraception idéale de l’homme célibataire ou dans un couple récent », ajoute le Pr Huyghe.
Reste la vasectomie. Très répandue dans les pays anglo-saxons et le Nord de l’Europe, cette opération — qui consiste à sectionner les canaux déférents qui acheminent les spermatozoïdes des testicules vers la prostate — rencontre également un certain succès dans des pays latins comme l’Espagne.
Et en France ? Longtemps considérée comme une « mutilation » (et donc interdite) elle n’a été légalisée que depuis 2001. « C’est une bonne technique, efficace, mais elle n’est pas toujours réversible », prévient le Dr Faix. Autrement dit, c’est plus une méthode de stérilisation que de contraception ; elle convient surtout à des couples stables ayant plusieurs enfants et ne souhaitant plus agrandir leur famille. En cas de doute, l’autoconservation de sperme est possible : elle permet de réaliser une IAC (insémination avec sperme de conjoint) si un jour l’homme revient sur sa décision de ne pas/plus avoir d’enfants. Dans les pays anglo- saxons on estime à 3 à 5 % la proportion d’hommes souhaitant devenir père après une vasectomie. « Les couples qui optent pour la vasectomie doivent être dûment informés et ne pas penser qu’il “suffit” de réparer les canaux déférents pour retrouver sa fertilité ». Si la vasectomie prend 5 à 10 min sous anesthésie locale, l’intervention de reperméabilisation (vasovasostomie) visant à rendre à l’homme sa fertilité, dure deux heures et son résultat peut être décevant : les voies séminales peuvent être fibrosées, le corps peut avoir développé des anticorps anti-spermatozoïdes… « Les spermatozoïdes risquent alors de ne pas être fécondants et l’homme demeure infertile même après reperméabilisation des canaux », ajoute le Pr Huyghe.
Une vasectomie temporaire ?
Mise au point par l’institut indien de technologie de Kharagpur, le RISUG (Reversible Inhibition of Sperm Under Guidance), obture de façon temporaire les canaux déférents. Un gel injecté dans le canal forme un « filtre » qui bloque les spermatozoïdes tout en laissant passer les fluides corporels. Ce « bouchon » serait efficace pendant plus de 10 ans ; il pourrait être dissous à la demande en injectant une substance adéquate. La restauration de la fertilité surviendrait dans les mois suivant la destruction du bouchon. Cette technique est encore en cours d’expérimentation et n’est pas disponible en dehors de l’Inde ajoute le Pr Huyghe.
Mettre un « therme » à sa fertilité
Plus expérimentale, la contraception thermique consiste à augmenter naturellement la température des testicules. Ces glandes sont en effet en dehors de l’abdomen, afin de rester au frais, car au-delà 35 °C, la spermatogenèse est altérée. Deux méthodes de contraception thermique ont été développées. Tout d’abord le slip chauffant. Imaginé il y a plus de 20 ans par le Dr Roger Mieusset, andrologue au CHU de Toulouse, ce sous-vêtement est toujours à l’étude. À condition de le porter 15 h par jour, 7 jours sur 7, il serait efficace chez une majorité de patients et semble sans effets secondaires. La disparition des spermatozoïdes est effective au bout d’1 à 2 cycles de spermatogenèse soit environ 4 à 6 mois. Le produit n’est pas commercialisé, mais certains hommes ont pris le parti… d’en fabriquer eux-mêmes.
Plus récent, l’anneau AndroSwitch permet de remonter les testicules. Il n’y a pas d’études cliniques sur ce matériel qui ne dispose d’aucun marquage CE, bien qu’il soit en vente sur le Net.
Outre le fait que l’efficacité doit être validée régulièrement par un spermogramme, de nombreuses questions demeurent : chauffer le testicule pendant plusieurs années peut-il altérer la glande ? Augmente-t-on le risque de cancer du testicule ?
La pilule au masculin
Depuis plusieurs décennies cette pilule non sexiste nous est annoncée. Force est de reconnaître qu’elle se heurte à de nombreux obstacles. « Il y a eu des études sur la testostérone seule, la testostérone associée à de la progestérone dans des proportions variables… Pour le moment, la formule idéale n’a pas été trouvée. » Et surtout les effets secondaires immédiats sont légion (chute de la libido, prise de poids, cholestérol, acné…). Quant à l’impact à long terme — notamment sur la prostate — il reste inconnu.
Des recherches sont également en cours sur un progestatif de synthèse, le « MENT » (7-alpha méthyl-19-nortestostérone), en injections intramusculaires. Il semble avoir une efficacité contraceptive intéressante et moins d’effets secondaires que les autres produits. Limite : la majorité des études sont réalisées en Asie, or la contraception hormonale serait nettement moins efficace dans les populations caucasiennes. Antoine Faix et Éric Huyghe réfléchissent à la mise en place, sous l’égide de l’AFU, d’un essai en France.
Dans la même logique, un gel hormonal fait actuellement l’objet d’une étude multicentrique internationale. Elle est dirigée par les National Institutes of Health (NIH) américains.
Vacciner contre la fertilité
Des recherches sont en cours pour bloquer de manière non hormonale la cascade de réactions conduisant à la formation des spermatozoïdes. Dérivé d’un traitement anticancer (inidamine), l’Adjudin amène les spermatozoïdes à se détacher des glandes de Sertoli avant d’avoir terminé leur maturation. Les essais conduits sur l’animal sont très encourageants et laissent entrevoir une possibilité d’altérer de manière réversible la spermatogenèse. Autre piste explorée, celle des vaccins et de l’immunocontraception. Les vaccins contraceptifs — qui rendent temporairement infertiles — ont été développés chez l’animal pour contrôler l’évolution de certaines espèces sauvages. « Les recherches sont encore très préliminaires, mais c’est une voie intéressante » note le Dr Faix.
Dans quels délais verra-t-on une contraception masculine s’imposer ? Pas avant 5 ou 10 ans prédit le Dr Faix. D’autant que les études sont aujourd’hui extrêmement encadrées comparativement à celles qui avaient permis le développement de la contraception féminine il y a 60 ans.
En chiffres
37 % des moins de 30 ans seraient prêt à expérimenter une pilule masculine
22 % à réaliser une vasectomie
12 % à tester le slip chauffant
Source OpinionWay/20 minutes
D’après un entretien avec le Dr Antoine Faix urologue à Montpellier, responsable du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU et le Pr Éric Huyghe chirurgien urologue au CHU de Toulouse
Extrait du dossier de presse de l'AFU
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