Un agent anticancéreux prometteur se révèle toxique chez l'homme
Les essais cliniques destinés à évaluer l'efficacité d'un anticancéreux particulièrement prometteur pourraient être retardés en raison de son éventuelle toxicité. Cette molécule, le TRAIL, ne semblait s'attaquer qu'aux cellules cancéreuses mais de récents résultats indiquent qu'elle détruit également les cellules hépatiques humaines in vitro.
Le TRAIL ("tumor necrosis factor-related apoptosis-inducing ligand") était considéré comme un agent anticancéreux potentiel de choix. En effet, des études réalisées sur des souris et certains primates avaient montré que cette molécule était capable de déclencher l'apoptose (mort cellulaire programmée) des cellules tumorales humaines mais pas chez des cellules saines. L'efficacité et la sélectivité du TRAIL ont ainsi contribué à envisager son évaluation lors d'essais cliniques.
Des chercheurs de l'Université de Pittsburgh présentent dans le dernier numéro de Nature Medicine des résultats qui remettent en cause le bien fondé de tels essais. L'équipe du Dr S. Strom a évalué l'effet du TRAIL sur des hépatocytes sains, issus de rats, de souris, de singes rhésus et de foie humain mis en culture.
Ces scientifiques ont montré que le TRAIL (200 ng/ml) déclenchait l'apoptose et la mort cellulaire uniquement chez les hépatocytes humains. "Les hépatocytes humains ont présenté les caractéristiques de l'apoptose : contraction du cytoplasme, activation des caspases (enzymes impliquées dans les processus d'apoptose) et fragmentation de l'ADN".
L'effet cytotoxique était rapide et massif puisque plus de 60 % des cellules exposées au TRIAL ont subi un processus d'apoptose ou de mort cellulaire dans les 10 heures.
Les chercheurs ont également mis en évidence la présence des 4 types de récepteurs du TRIAL à la surface des hépatocytes humains. L'ensemble de ces résultats montre que la toxicité du TRIAL varie d'une espèce à l'autre et que les hépatocytes humains sont extrêmement sensibles à cette drogue.
Selon les auteurs, "Les données indiquent que si le TRAIL est utilisé comme agent anticancéreux dans des essais cliniques, il pourrait entraîner une hépatotoxicité considérable ou une défaillance hépatique majeure". "De plus, l'extrapolation des données provenant de recherches pré-cliniques chez d'autres espèces doit être faite avec précaution et des recherches sur des cellules humaines devraient être inclues dans l'évaluation pré-clinique des agents thérapeutiques".
Ces propos ne remettent pas en cause les recherches réalisées sur le modèle animal mais rappellent qu'ils ne constituent justement que des modèles qui ne sauraient se substituer à l'homme.
Des travaux complémentaires devraient donc être envisagés avant de débuter les essais cliniques du TRAIL. Dans une publication qui accompagne l'article, le Dr S. Nagata (Osaka University Medical School) note "qu'il n'est peut être pas trop tard pour retarder ces essais cliniques jusqu'à ce que nous sachions pourquoi certaines cellules (saines) résistent au TRAIL et pas d'autres".
Source : Nature Medicine 2000;6(5):564-67, 502-503
Descripteur MESH : Cellules , Essais , In vitro , Apoptose , Hépatocytes , Mort , Mort cellulaire , ADN , Caspases , Cytoplasme , Défaillance hépatique , Enzymes , Foie , Nature , Primates