La naltrexone est inefficace dans les formes sévères d'alcoolisme
Un large essai publié aujourd'hui dans le New England Journal of Medicine remet sérieusement en question l'intérêt de la naltrexone (antagoniste des opiacés) dans le traitement de la dépendance à l'alcool. Comparé au placebo, la naltrexone n'a pas réduit significativement le taux de rechute.
Krystal et al. ont mené cet essai randomisé en double aveugle auprès de 627 personnes (vétérans) qui présentaient une "dépendance chronique et sévère à l'alcool". Les participants ont été traités par placebo ou naltrexone et suivaient une thérapie. Trois groupes ont été définis : naltrexone (50 mg une fois par jour) pendant 12 mois, naltrexone pendant 3 mois puis 9 mois sous placebo et un groupe sous placebo pendant 12 mois. Les patients étaient encouragés à participer aux réunions des alcooliques anonymes et bénéficiaient d'un soutien personnalisé.
"A la treizième semaine, nous n'avons pas trouvé de différence significative dans le nombre de jours jusqu'à la rechute entre les patients dans les deux groupes naltrexone (72,3 jours en moyenne) et le groupe placebo (62,4 jours)", rapportent les auteurs. Il n'y avait pas non plus de différence dans le taux de rechute, le pourcentage de jours où de l'alcool avait été consommé ou le nombre de verres bus par jour.
Ces résultats étaient également retrouvés à un an : les résultats des trois groupes étaient similaires en termes de jours avec de l'alcool et de nombre de verres par jours, ajoutent les auteurs.
Ils expliquent que les résultats n'étaient pas influencés par la durée du traitement sous naltrexone, l'observance du traitement, la participation aux entretiens de conseils et soutien ou encore aux réunions des Alcooliques Anonymes.
Dans leur discussion, Krystal et al. concluent que cet essai remet en doute l'emploi de la naltrexone dans la population étudiée, essentiellement composé d'hommes avec une très forte dépendance à l'alcool. Néanmoins, son intérêt à des doses différentes n'est pas exclu, éventuellement en association avec d'autres traitements pharmacologiques ou chez une population féminine.
Les raisons du manque d'efficacité de ce traitement dans cette étude sont abordées par Fuller et Gordis dans un éditorial du NEJM. Ces derniers mettent en avant la différence entre la population de cette étude et celle des études précédentes sur la naltrexone. Il se pourrait que l'inefficacité observée soit en partie imputable au fait que le groupe suivi par Krystal et al. était composé d'hommes en moyenne plus âgés, dépendants depuis plus longtemps et moins nombreux à vivre en couple. Les éditorialistes conseillent toutefois de continuer à utiliser la naltrexone chez des patients plus jeunes, alcoolo-dépendants depuis moins longtemps et dans une situation socioéconomique stable.
Source : N Engl J Med 2001;345:1734-9, 1770-1
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