Des chercheurs danois mettent en doute l’intérêt de la mammographie dans le dépistage du cancer du sein
" Le dépistage du cancer du sein par mammographie n’est pas justifié ", affirment des chercheurs danois dans la dernière livraison du Lancet qui ont mené une analyse critique des données et de la méthodologie de huit essais cliniques.
En 1999, une étude n’avait pas trouvé de diminution de la mortalité par cancer du sein en Suède, pays dans lequel le dépistage de ce cancer est recommandé depuis 1985. C’est ce qui a poussé Peter Gøtzsche et Ole Olsen du centre nordique Cochrane (Copenhague, Danemark) à revoir la qualité méthodologique d’essais de dépistage par mammographie et d’une importante méta-analyse suédoise, mais également à mener eux-mêmes une méta-analyse. Ces chercheurs ont porté une attention particulière à d’importants facteurs susceptibles d’introduire des biais dans les essais publiés, en particulier sur la qualité de la randomisation.
Les essais en question ont porté au total sur 500.000 femmes. Ils ont été conduits à New York (Etats-Unis), à Edimbourg (Ecosse, Grande-Bretagne), au Canada, à Malmö, Kopparberg, Östergötland et Stockholm en Suède.
De plus, une méta-analyse de cinq essais suédois récents avait conclu que le dépistage avait entraîné une diminution de 29 % de la mortalité chez les femmes âgées de 50 à 69 ans. Ce résultat avait été pourtant battu en brèche en 1999 par une étude épidémiologique qui a montré aucune baisse de la mortalité par cancer du sein en Suède. Elle rapportait une diminution des décès par cancer mammaire de 0,8 % (non significative), alors que l’on s’attendait à une baisse de 11 %.
Dans six des huit essais analysés, les chercheurs danois ont noté des défauts méthodologiques aboutissant selon eux à des déséquilibres en termes des caractéristiques des sujets à l’inclusion. De plus, des problèmes relatifs au nombre de femmes randomisées ont été observés dans quatre essais.
Ils ajoutent que deux essais correctement randomisés n’ont pas trouvé que le dépistage avait un effet sur la mortalité par cancer du sein (risque relatif poolé de 1,04 avec un intervalle de confiance 95 % compris entre 0,84 et 1,27) ou sur la mortalité globale (0,99 [IC95 % : 0,94-1,05]).
Pour les autres essais, le risque relatif poolé de mortalité par cancer du sein était de 0,75 (0,67-0,83), significativement différent (p=0,005) de celui des essais non biaisés.
Quant à la méta-analyse suédoise, elle a certes montré une diminution de la mortalité par cancer du sein mais également une augmentation de la mortalité totale (1,06 [1,04-1,08]). Cette dernière disparaissait cependant après ajustement du déséquilibre pour l’âge.
Dans un éditorial, Harry de Koning (Erasmus University, Rotterdam, Pays-Bas) souligne que l'évaluation de l'impact des essais de dépistage ne peut se faire de la même façon que celle lorsqu'il s'agit d'essais thérapeutiques.
En tout état de cause, souligne-t-il, la conception, la conduite et l’évaluation des essais et programmes de dépistage du cancer est une tâche énorme. Le traitement et la présentation des données doivent être aussi claires que possible. De même, les raisons de possibles changements quant au design de l’essai, le nombre de sujets ou l’analyse des données doivent être clairement explicitées. Par ailleurs, il n’a pas de place pour la moindre incertitude quant au procédé utilisé lors de la randomisation.
Cela dit, Harry de Koning tient à rappeler que, grâce au dépistage, le cancer du sein est aujourd’hui détecté au Royaume-Uni et aux Pays-Bas plus tôt que dans le passé. De plus, au Royaume-Uni, une nette réduction de la mortalité par cancer mammaire a été observée, notamment du fait du programme national de dépistage. Enfin, la mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 60 à 69 ans est en train de chuter aux Pays-Bas.
Source : Lancet, 8 janvier 2000, vol.355, 129-34, 80-1.
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