Urologie : La place de l’urologue dans la prise en charge de l’endométriose
L’endométriose est une maladie gynécologique, mais pas seulement ! Aux côtés du gastro-entérologue et du gynécologue, l’urologue est un acteur clef de sa prise en charge depuis le dépistage de la maladie jusqu’à la gestion des éventuelles séquelles urinaires de son traitement.
Endométriose, ne pas négliger les signes urinaires !
Une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose. Cette maladie caractérisée par la présence d’endomètre (muqueuse de l’utérus) à l’intérieur de la cavité abdominale peut être asymptomatique — dans ce cas elle est souvent découverte fortuitement à l’occasion d’un bilan pour infertilité. Mais le plus souvent elle s’accompagne d’une symptomatologie extrêmement riche associant douleurs pelviennes, saignements, troubles sexuels, digestifs ou urinaires. D’où l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire de cette pathologie qui bien qu’elle touche prioritairement l’utérus déborde largement du simple champ de la gynécologie.
C’est ce message clef que les Prs Xavier Gamé et Jean-Nicolas Cornu entendent faire passer lors du prochain congrès de l’AFU.
Une endométriose avec uniquement des signes urinaires, c’est possible !
La découverte d’une endométriose est souvent faite par le généraliste ou le gynécologue sur la base de signes évocateurs gynécologiques. Mais l’urologue doit y penser devant certains troubles urinaires complexes. « Le cortège de symptômes est très floride. La symptomatologie peut être déroutante tant elle est riche » précise le Pr Cornu. Les signes sont le plus souvent des troubles de remplissage de la vessie, avec des urgences et une augmentation de la fréquence urinaire, des douleurs à la miction qui miment une cystite, ou encore de sensations de vidange capricieuse ou incomplète… Devant un tel tableau, le bon réflexe est de demander une IRM pelvienne qui permettra de visualiser d’éventuels nodules, et d’orienter vers un gynécologue pour un bilan pour approfondi.
Paradoxalement, les signes urinaires ne sont pas forcément associés à la présence d’endomètre sur la vessie ou l’urètre. Dans certains cas, la vessie est effet touchée par un nodule. Mais souvent ce n’est pas le cas.
Il peut s’agir d’une « inflammation de continuité » — où l’utérus enflammé se trouve au contact direct de la vessie — ou encore d’un mécanisme encore imparfaitement élucidé« d’interaction viscérale pelvienne ». Sous ce vocable est désigné un ensemble de phénomènes où la pathologie d’un organe se répercute sur d’autres organes à distance. En l’occurrence, l’utérus et la vessie ont des racines nerveuses communes. Lorsque l’utérus est malade, l’inflammation peut envoyer un message nociceptif vers le cerveau (qui se traduira par une douleur), mais elle peut également via des neurones communs, transmettre une information à la vessie et perturber son fonctionnement. Ce qui se traduira selon les cas, par une envie d’uriner, ou une gêne, ou une sensation de vessie mal vidangée… « Et là le cerveau n’y comprend plus rien » résume le Pr Cornu.
C’est cette même logique d’interaction vésicale pelvienne qui explique certains troubles digestifs ajoute le Pr Gamé. L’innervation de la vessie et du rectum utilisent en effet les mêmes voies. Il peut donc arriver que les messages nerveux s’entremêlent. Au risque d’aboutir à une grande confusion sur le plan symptomatologique.
La chirurgie guérit l’endométriose… mais peut induire des troubles urinaires.
Beaucoup d’endométrioses se traitent par voie médicamenteuse. Toutefois, lorsque la maladie est plus envahissante, le recours à la chirurgie est préconisé. Plusieurs milliers de femmes sont ainsi opérées chaque année. L’intervention est habituellement réalisée par le gynécologue. Si des nodules sont localisés sur l’appareil urinaire, il est fondamental que l’urologue soit partie prenante de la discussion en amont de l’intervention. Parfois, l’IRM n’a pas mis en évidence de nodule sur l’arbre urinaire, mais lors de l’intervention le chirurgien va se rendre compte que l’uretère est comprimé, que la vessie est envahie… Il peut être amené à demander, en urgence, en cours d’opération, l’avis de l’urologue.
Plus l’envahissement est important, plus le chirurgien va devoir disséquer autour de la vessie et plus il risque d’abimer de petits nerfs. Dans environ un cas sur dix, la patiente se retrouve donc guérie de son endométriose, mais… affectée de troubles urinaires. Compte tenu du risque de séquelles urinaires de l’intervention « il est essentiel que l’urologue soit impliqué d’emblée dans la discussion avant même le traitement » insiste le Pr Gamé. Tout d’abord parce qu’il peut évaluer le trouble urinaire avant la prise en charge (souvent, chez les patientes touchées par une endométriose sévère, la symptomatologie urinaire passe au second plan et les patientes risquent d’attribuer indument à la chirurgie gynécologique un trouble qui préexistait à l’intervention). Ensuite parce que l’urologue peut, dès avant l’opération informer des risques urinaires, mais aussi, rassurer sur les modalités de prise en charge de ce trouble et les nombreux outils disponibles pour le vaincre (médicaments par voie orale, instillations dans la vessie, stimulation du nerf tibial postérieur, botox, neuromodulation du nerf sacré…). « La patiente doit avoir toutes les informations en main pour évaluer la balance bénéfice risque », estime le Pr Gamé.
« Le bilan urodynamique avant et après le traitement est essentiel ajoute le Pr Cornu afin de savoir ce que la chirurgie a changé (abimé ou amélioré). C’est un examen compliqué à interpréter dans un contexte d’endométriose. »
Parfois les troubles urinaires post opératoires sont majeurs, contraignants la patiente à s’auto- sonder. Dans l’immense majorité des cas, les choses reviennent à la normale progressivement et au bout d’un an, les symptômes ont disparu. Si ce n’est pas le cas, « on peut optimiser les sondages intermittents et/ou proposer une neuromodulation scarée en mettant en place un pacemaker pour la vessie pour tenter d’améliorer les symptômes » rassure le Pr Cornu.
Du sur-mesure
Le choix de la thérapie destinée à lutter contre un trouble urinaire lié à l’endométriose (qu’il soit préexistant à toute intervention thérapeutique ou qu’il soit une conséquence de l’intervention chirurgicale) doit être adapté à chaque patiente en fonction de son mode de vie. Du sur-mesure !
« Nous nous adressons à des femmes souvent jeunes, actives… Si la patiente a un projet de bébé, nous n’allons pas lui proposer un pacemaker pour moduler l’activité de sa vessie, car ce dispositif doit être arrêté pendant la grossesse » indique le Pr Cornu.
C’est la seconde fois que l’AFU consacre une session à l’endométriose dans le cadre de son congrès. En 2019, le CUROPF s’était déjà penché sur les complications urologiques de l’endométriose. Mais le sujet reste encore trop peu connu tant des urologues que des autres spécialités. Or plus une endométriose est diagnostiquée précocement, mieux s’organisera sa prise en charge, aussi bien sur le plan médical que sur le plan psychique.
En chiffres
- 1 femme sur dix en âge de procréer serait touchée par une endométriose.
- 18 à 35 ans. C’est l’âge habituel auquel la maladie se manifeste.
- Une femme sur deux [CB1] touchée par une endométriose sévère souffre simultanément de troubles urinaires ;
- Plusieurs milliers de femmes victimes d’endométriose subissent chaque année une intervention chirurgicale
- Dans un cas sur dix, la chirurgie entraine des séquelles urinaires
« Il n’y a pas de corrélation entre la sévérité de l’endométriose et l’intensité des symptômes. Une endométriose peut être extrêmement douloureuse, même quand elle est superficielle ». Pr Jean-Nicolas Cornu.
Présenté par Pr Jean-Nicolas Cornu, coordonnateur du Comité d’Urologie et de Pelvipérinéologie de la Femme à l’AFU (CUROPF) et chirurgien urologue au CHU de Rouen, et le Pr Xavier Gamé, secrétaire général de l’AFU et chirurgien urologue au CHU Rangueil de Toulouse.
Extrait du dossier de presse de l'AFU
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