Recherche de nouveaux antirétroviraux : anti-Tat et inhibiteurs de fusion
La découverte de nouvelles cibles thérapeutiques, autres que la transcriptase reverse et la protéase du VIH, est susceptible de conduire au développement de nouvelles familles d’antirétroviraux. C’est le cas du premier inhibiteur de la protéine Tat et de deux catégories de peptides conçus pour bloquer l’entrée du virus dans la cellule, nouveautés présentées au 12e Colloque des Cent Gardes.
L’équipe de Erwann P. Loret du laboratoire d’ingénierie des systèmes macromoléculaires de l’Institut de biologie structurale et microbiologie (CNRS, Marseille) a pour la première fois rapporté la structure tridimensionnelle, établie par RMN, de la protéine Tat du VIH.
Tat a une fonction essentielle dans le cycle viral. Egalement sécrétée dans le milieu extracellulaire par les cellules T CD4+ infectées, Tat interagit par ailleurs avec les cellules T non infectées situées à proximité en inhibant leur prolifération.
A partir de la structure tridimensionnelle de Tat, les chercheurs ont modélisé une molécule capable de se fixer sur cette protéine virale. En collaboration avec un chimiste nantais, Jacques Lebreton du laboratoire de synthèse organique (CNRS), ils sont parvenus à synthétiser plusieurs dérivés dont un, baptisé TDS1, qui s’est avéré avoir des propriétés anti-Tat.
“Pour la première fois, nous avons une molécule qui se fixe de manière spécifique sur la protéine Tat”, indique à caducee.net Erwann Loret.
Premier inhibiteur de Tat
Ce chercheur précise que l’approche retenue a été de choisir une “inhibition allostérique”, autrement dit de développer un composé non peptidique et de petite taille capable d’empêcher le changement conformationnel de la protéine Tat nécessaire à sa fixation sur une séquence du génome du VIH appelée TAR (TransActivating Region). La protéine Tat ne peut alors plus participer à l’initiation de la transcription et cesse également d’exercer ses autres activités, notamment extracellulaires.
La structure, la formule chimique et le mécanisme d’action de l’inhibiteur TDS ont également été pour la première fois présentés au colloque. Plus précisément, TDS créé sur la protéine Tat un pont entre une région basique et une poche hydrophobe. C’est le complexe TDS/Tat qui inhibe la fixation de Tat sur TAR.
Les chercheurs ont développé une batterie de tests in vitro (fonctionnel pour évaluer la transactivation, pharmacologique, cellulaire) leur permettant d’évaluer les différents effets de leur inhibiteur de Tat.
Le composé organique TDS1 est considéré comme une “tête de série qui devrait déboucher dans les six mois à venir" sur plusieurs inhibiteurs solubles dans l’eau et ayant une meilleure affinité, de l’ordre nanomolaire au lieu de micromolaire actuellement.
Le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID, NIH, Bethesda) a d'ores et déà fait savoir qu’il était prêt à financer un essai de phase I.
Peptides inhibiteurs de l’entrée du virus
Laurence Rimsky-Clarke, du laboratoire de Thomas Matthews au Duke University Medical Center (Durham, Caroline du Nord), a quant à elle présenté des données sur un nouveau composé capable d’empêcher l’entrée du VIH-1 médié par la protéine virale d’enveloppe gp41.
Ce nouveau peptide, baptisé T-649, dérive d’un peptide synthétique baptisé T-20 (anciennement DP-178). Développé par la firme Trimeris (Durham), le T-20 est actuellement en essais cliniques de phase I-II aux Etats-Unis.
T-20 correspond à une région en hélice de la protéine d’enveloppe gp41 du VIH-1, appelée HR2. En fait, les peptides T-20 et T-649 se chevauchent dans la séquence de la gp41, ce dernier se situant plus vers la “gauche” par rapport au T-20.
La cible du peptide T-649, présentée comme un “T-20 de deuxième génération”, est un état intermédiaire de la molécule d’enveloppe virale qui participe au processus de fusion entre les membranes virale et cellulaire.
Schématiquement, le T-649 mime une région hélicoïdale (HR2) de la protéine gp41 qui entre en contact avec une autre région hélicoïdale (HR1) pour former un complexe. En d’autres termes, T-469 est un inhibiteur compétitif de la formation du complexe HR1/HR2 de la gp41.
Avantage du T-469 : les virus résistants au T-20 y sont sensibles. De plus, le T-469 présente à la fois une plus grande activité et un spectre plus large que le T-20 vis-à-vis des isolats primaires.
Cela dit, le T-649 a une brève demi-vie par rapport au T-20. Pour pallier à cet important inconvénient, des modifications sur certains acides aminés ont été apportées à la molécule. La nouvelle molécule porte le nom de T-1249 et fera très prochainement l’objet d’essais cliniques pour évaluer sa capacitéà diminuer la charge virale plasmatique.
Inhibiteurs peptidiques miroirs
Autre stratégie pour s’opposer à l’entrée du VIH dans la cellule, celle discutée aux ‘Cent Gardes’ par Debra Eckeret de l’équipe de Peter Kim du Whitehead Institute for Biomedical Research et du Howard Hugues Medical Institute de Cambridge (Massachusetts).
Ce chercheur a présenté la découverte, publiée ce mois-ci dans Cell, d’inhibiteurs appelés D-peptides (dextrogyres) car miroirs des peptides naturels L (lévogyres). (voir notre dépêche du 6/10/99)
Cette nouvelle classe d’inhibiteurs peptidiques a pour cible une région de la protéine d’enveloppe gp41 indispensable au processus de fusion entre les membranes virale et cellulaire et appelée “poche super-hélicoïdale” de la gp41. Cette cavité moléculaire ne se dévoile de façon transitoire qu’au moment de la fusion entre le virus et la cellule.
Les possibilités de développement de nouveaux antirétroviraux sont donc théoriquement possibles. Elles restent cependant aléatoires dans la mesure où il est encore trop tôt pour savoir si les chances de succès de ces stratégies innovantes déboucheront sur des nouvelles armes thérapeutiques.
Source : 12e Colloque des ‘Cent Gardes’ : rétrovirus du sida et maladies animales apparentées. Marnes-la-Coquette. 25-27 octobre 1999, organisé par la Fondation Mérieux et Pasteur Mérieux Connaught, en collaboration avec l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida (ANRS).
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