Introduction : La contraception post-coïtale
La contraception d’urgence permet de prévenir la grossesse après une relation non protégée ainsi qu’en cas d’échec ou de mauvaise utilisation du contraceptif habituel. Les rapports non protégés regroupent les relations forcées ainsi que les situations dans lesquelles aucune méthode n’est employée. La contraception d’urgence s’apparente à une méthode de « deuxième chance ».
La contraception d’urgence permet de prévenir la grossesse après une relation non protégée ainsi qu’en cas d’échec ou de mauvaise utilisation du contraceptif habituel.
« La contraception d’urgence peut favoriser la diminution du nombre de grossesses accidentelles, dont beaucoup se soldent par un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions et font payer un lourd tribut à la santé des femmes », constate le docteur Paul Van Look, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ancien président du comité directeur du Consortium international de la contraception d’urgence. Tous les ans, selon l’OMS, la survenue de grossesses imprévues se traduit par au moins vingt millions d’avortements dangereux, à l’origine du décès de quelque 80.000 femmes. De surcroît, les grossesses accidentelles qui n’aboutissent pas à un avortement sont elles aussi susceptibles d’entraîner des décès maternels.
La contraception d’urgence la plus fréquemment pratiquée est la prise de pilules contraceptives, lesquelles contiennent les mêmes hormones que les contraceptifs oraux ordinaires mais à plus forte concentration. Le recours au dispositif intra-utérin et à d’autres produits constitue une possibilité supplémentaire. Le présent numéro de Network en français porte principalement sur la prise de pilules contraceptives d’urgence.
Au cours des cinq dernières années, de grandes organisations internationales qui s’intéressent à la santé de la reproduction, dont l’OMS, se sont efforcées de généraliser la contraception d’urgence, d’accroître les connaissances des prestataires et des consommateurs sur ce sujet et d’étudier les aspects de la recherche qui restent à élucider. Le Consortium international de la contraception d’urgence a coordonné l’essentiel des travaux entrepris en ce sens, lesquels portent sur toute une gamme de recherche, sur la mise au point de matériel promotionnel et informatif et sur la formation des prestataires.
Les pilules contraceptives d’urgence
Les pilules contraceptives d’urgence
Qu’elles se présentent sous la forme d’oestroprogestatifs ou de progestatifs sans oestrogène, les pilules contraceptives orales répondent aux besoins de la contraception d’urgence. Les pilules contraceptives d’urgence n’ont pas d’effet sur un oeuf fécondé qui est déjà implanté dans l’utérus. Dès lors, elles ne peuvent pas provoquer l’avortement.
Il convient de prendre la première dose de pilules contraceptives d’urgence le plus tôt possible après une relation non protégée, l’idéal étant de respecter un délai de 72 heures. Des études tentent de déterminer si ce délai peut être repoussé. Dans certains pays, la contraception d’urgence est surnommée « la pilule du lendemain », ce qui peut prêter à confusion dans la mesure où la femme n’a pas besoin d’attendre jusqu’au lendemain pour commencer cette thérapie ; en fait, elle doit agir le plus tôt possible après un rapport non protégé. Des études ont démontré que plus elle réagissait vite, plus elle était susceptible d’éviter une grossesse. La contraception d’urgence ne doit pas supplanter la contraception ordinaire, parce qu’elle est moins efficace que cette dernière et qu’elle peut entraîner des effets secondaires désagréables, des nausées par exemple.
Les schémas posologiques de la contraception d’urgence qui ont été soigneusement étudiés portent sur les pilules à base d’éthinyloestradiol (un oestrogène) et de lévonorgestrel (un progestatif). La posologie la plus courante, dite méthode Yuzpe, du nom du médecin canadien qui l’a mise au point dans les années 1970, le docteur A. Albert Yuzpe (université de l’Ontario occidental), fait appel à des pilules oestroprogestatives. Celles-ci doivent être administrées en deux prises, la première dans les 72 heures suivant un rapport non protégé et la seconde 12 heures plus tard. Chacune des deux doses doit contenir au moins 0,10 mg d’éthinyloestradiol et 0,50 mg de lévonorgestrel.
S’agissant de la contraception strictement progestative, le schéma posologique qui a été le mieux étudié porte sur la prise de pilules contenant 0,75 mg de lévonorgestrel par dose. Celles-ci doivent également être prises en deux doses, d’abord dans les 72 heures suivant un rapport non protégé, puis 12 heures plus tard. Comme la formulation des comprimés varie d’une marque à l’autre, le nombre de pilules contraceptives ordinaires qu’il faut prendre à chaque dose pour absorber la quantité voulue de progestatif varie de deux à 25 comprimés, selon les marques utilisées.
Des formulations récentes, destinées exclusivement à la contraception d’urgence, permettent la prise d’une seule pilule par dose.
Innocuité et effets secondaires
Innocuité et effets secondaires
Pratiquement toutes les femmes peuvent recourir aux pilules contraceptives d’urgence en toute sécurité. Comme ces comprimés sont pris à court terme, les contre-indications à l’emploi des contraceptifs oraux ordinaires n’entrent pas en ligne de compte. Les critères de recevabilité médicale de l’OMS récapitulent plusieurs considérations que doivent envisager les prestataires avant de prescrire des pilules contraceptives d’urgence, dont l’existence d’antécédents de complications cardiovasculaires graves, d’angine de poitrine, de migraines focales aiguës et de maladie hépatique grave. Mais dans tous ces cas, les lignes directrices de l’OMS indiquent que les avantages des pilules l’emportent généralement sur les risques théoriques ou prouvés.1
Si une femme est déjà enceinte, la prise de pilules contraceptives d’urgence ne nuira pas à l’embryon ni au foetus.2 En fait, certains spécialistes de la fécondité vont jusqu’à recommander l’emploi de progestatifs pour prévenir les avortements spontanés.
Les effets secondaires sont fréquents et parfois gênants, en particulier lorsque les pilules sont des oestroprogestatifs. Les plus courants sont les nausées et les vomissements, mais les maux de tête, les vertiges et la fatigue sont aussi courants. En outre, la forte teneur hormonale des pilules peut entraîner des tensions mammaires. La plupart des effets secondaires disparaissent en général dans les 24 heures qui suivent la prise de la deuxième dose.
Les pilules contraceptives d’urgence qui contiennent seulement un progestatif provoquent beaucoup moins d’effets secondaires que les pilules combinées. Selon l’étude comparative la plus vaste qui ait été réalisée, la prise de progestatifs s’était accompagnée de vomissements chez 6 % des utilisatrices et de nausées chez 25 %, alors que les femmes qui avaient pris des pilules combinées avaient été 19 % à avoir des vomissements et 51 % des nausées.
La femme qui prend la première dose de pilules progestatives d’urgence dans un délai de 72 heures réduit d’environ 85 % son risque de grossesse. Cette réduction oscillerait entre 57 % et 75 % chez les utilisatrices de pilules combinées, dans les mêmes délais.3
A l’image des autres méthodes de contraception qui ne forment pas de barrière, les pilules contraceptives d’urgence ne protègent pas leurs utilisatrices contre les infections sexuellement transmissibles (IST). Le préservatif demeure le meilleur moyen de se prémunir contre ces infections. Le traitement post-coïtal des IST bactériennes pourrait être indiqué chez certaines personnes, et il est question de formuler des lignes directrices relatives à l’administration de traitements consécutifs à l’exposition au VIH et à d’autres infections virales.
-- William R. Finger
Notes
- Organisation mondiale de la Santé. Pour un meilleur accès à des soins de qualité en matière de planification familiale : Critères de recevabilité médicale pour l’adoption et l’utilsation continue de méthodes contraceptives. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 1996.
- Bracken MB. Oral contraception and congential malformations in offspring: a review and meta-analysis of the prospective studies. Obstet Gynecol 1990;76(3):552-57.
- Task Force on Postovulatory Methods of Fertility Regulation. Randomised controlled trial of levonorgestrel versus the Yuzpe regimen of combined oral contraceptives for emergency contraception. Lancet 1998;352(9126):428-33; Trussell J, Rodriguez G, Ellertson C. New estimates of the effectiveness of the Yuzpe regimen of emergency contraception. Contraception 1998;57(6):363-69; Trussell J, Ellertson C, Stewart F. The effectiveness of the Yuzpe regimen of emergency contraception. Fam Plann Perspect 1996;28(2):59-64,87.
Mécanisme d’action
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Les principaux mécanismes d’action des pilules contraceptives d’urgence semblent intervenir avant le stade de la fécondation.
Des études ont montré que les pilules contraceptives d’urgence pouvaient supprimer ou retarder l’ovulation. En outre, selon le moment du cycle menstruel où elles sont prises, ces pilules pourraient bien inhiber la fécondation en perturbant le cheminement de l’ovule dans les trompes ou encore, après la fécondation, entraver l’implantation de l’oeuf fécondé dans l’utérus.1 Les pilules ne peuvent pas perturber une grossesse déjà établie parce qu’elles sont sans effet une fois que la nidation s’est produite. Une étude à laquelle ont participé 12 femmes qui avaient pris des œstroprogestatifs, la première dose juste avant le moment prévu de leur ovulation et la deuxième 12 heures plus tard, a mis en évidence la baisse du taux sanguin de l’hormone lutéinique (LH) et de deux hormones stéroïdiennes, l’œstradiol et la progestérone. L’hormone LH déclenche l’ovulation, c’est-à-dire la libération de l’ovule contenu dans l’ovaire. « Le mécanisme d’action semblait anti-ovulatoire chez trois sujets dont le taux de LH et de stéroïdes avait été supprimé », ont constaté les auteurs de l’étude. Parmi les autres femmes, huit présentaient divers schémas hormonaux et la dernière avait ovulé avant le début du traitement. D’où la conclusion des chercheurs : en admettant que le risque de grossesse a été écarté dans tous les cas, le mode d’action doit reposer sur des mécanismes autres que la suppression de l’ovulation.2
Ces mêmes chercheurs ont alors effectué une seconde étude dans le cadre de laquelle ils ont administré le traitement à 12 femmes, 36 heures et 48 heures après l’ovulation. Des biopsies de l’endomètre ont révélé la présence de signes attestant la modification des propriétés de fixation des stéroïdes dans les tissus de la cavité utérine. « Cette perturbation temporaire des premières étapes du développement de l’endomètre suffit probablement à prévenir (...) la nidation », ont conclu les auteurs de l’étude.3 D’autres études portant sur l’examen de l’endomètre consécutivement à l’administration de pilules combinées ont également mis en évidence des altérations qui seraient susceptibles d’inhiber l’implantation.4 Selon d’autres études, en revanche, ces pilules n’auraient qu’un effet limité sur l’endomètre. Des chercheurs de FHI ont ainsi administré des œstroprogestatifs à 19 femmes le jour du pic de l’hormone LH. Or ni les biopsies de l’endomètre ni les autres procédures appliquées n’ont révélé d’effets frappants sur la muqueuse de l’utérus. D’autre part, les chercheurs ont conclu que l’administration de ces pilules, à ce moment particulier du cycle, n’affectait pas l’ovulation, ce qui fait que « le mécanisme d’action de cette thérapie reste en partie une énigme ».5 Dans une étude réalisée en 1996, huit femmes ont suivi le schéma posologique des œstroprogestatifs avant le pic de l’hormone LH. Les chercheurs ont constaté divers schémas hormonaux, allant de la suppression totale de cette hormone à l’absence d’effet notable sur les fluctuations hormonales. Comme dans d’autres études, ils ont remarqué que la prise de pilules combinées bloquait l’ovulation chez certaines femmes, mais pas chez toutes.6 Par ailleurs, dans le cadre de cette étude, le même dosage de pilules avait été administré à huit autres femmes deux jours après l’ovulation. Les biopsies de l’endomètre effectuées dans ce groupe post-ovulatoire n’avaient mis en évidence que des changements mineurs dans la composition de la muqueuse, jugés insuffisants par les chercheurs pour prévenir la nidation. Selon une autre étude, la prise de pilules combinées n’avait pas modifié l’endomètre de façon importante, ce qui donne à penser que « les mécanismes d’action des contraceptifs d’urgence dépasseraient éventuellement en complexité la simple altération de la surface extérieure de l’endomètre ».7 Un examen récent des mécanismes d’action a trouvé que « la réceptivité de l’endomètre est le paramètre le plus difficile à évaluer avec certitude ». Même si l’endomètre se trouve modifié, « les autres étapes qui précèdent l’implantation subissent peut-être des perturbations suffisantes pour interrompre le processus à un stade précoce ».8 Une analyse statistique, effectuée en 1999, des études portant sur les pilules combinées a permis de conclure que la prévention de l’ovulation ne pouvait être le seul mécanisme d’action. Au moyen d’une grille, les auteurs de cette analyse ont comparé des taux d’efficacité provenant de huit études et faisant état du nombre de femmes traitées à chaque jour du cycle à des résultats de cinq autres études visant à déterminer la probabilité de l’ovulation sur une base journalière.9 Par exemple, l’épaississement de la glaire cervicale pourrait empêcher les spermatozoïdes d’atteindre l’ovule. Bien que l’on n’ait pas étudié l’effet des pilules contraceptives d’urgence sur la glaire cervicale, on sait que les progestatifs contenus dans les contraceptifs oraux ordinaires et dans les spécialités injectables provoquent son épaississement, phénomène qui passe pour être le mécanisme d’action de ces contraceptifs.10 En ce qui concerne les travaux de recherche sur la contraception d’urgence à base de progestatifs, FHI a parrainé une étude effectuée au Mexique. Dans cette étude, du lévonorgestrel avait été administré à 45 femmes, réparties de manière aléatoire dans trois groupes, à divers stades de leur cycle menstruel : au 10e jour du cycle, immédiatement après le pic de LH et 24 heures après la rupture du follicule. Une échographie était pratiquée tous les jours pour surveiller la fonction ovulatoire, ainsi que des biopsies de l’endomètre neuf jours après le pic de LH, c’est-à-dire le jour approximatif auquel l’ovule fécondé serait implanté. La suppression des taux d’hormones était nettement marquée dans le groupe pré-ovulatoire, encore que l’ovulation s’était produite chez certaines femmes. La fonction ovulatoire n’était pas modifiée dans les deux autres groupes de femmes. Les auteurs de cette étude en avaient conclu que le mécanisme d’action semblait se faire au niveau de l’endomètre dans le groupe post-ovulatoire, ce qui porte à croire que les pilules peuvent bloquer la nidation.11 Les auteurs d’une autre étude du traitement à base de lévonorgestrel, réalisée au Royaume-Uni auprès de 12 femmes, ont conclu que ces pilules avaient pour effet de retarder ou de prévenir l’ovulation, à condition d’être prises immédiatement avant celle-ci. Passé le pic de LH, ce sont d’autres mécanismes qui entrent en jeu et qu’il convient d’explorer plus en détail.12 -- William R. Finger Notes
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