Alzheimer : une découverte qui peut bouleverser la thérapeutique
Après des années de recherche intensive, des chercheurs sont enfin parvenus à cloner et caractériser une des deux enzymes impliquées dans le clivage de la protéine précurseur bêta amyloïde (APP) qui donne naissance au peptide amyloïde qui s’accumule dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Cette découverte ouvre la voie à la mise au point d’inhibiteurs spécifiques d’une enzyme qui, semble-t-il, joue un rôle crucial dans la pathogénèse de la maladie d’Alzheimer.
Elle est relatée dans un long article publié dans Science dans lequel les auteurs montrent étape par étape que l’enzyme qu’ils ont découvert correspond point par point à celle activement recherché par une douzaine d’équipes à travers le monde.
Le peptide bêta-amyloïde provient du clivage par deux enzymes de la grosse protéine APP. Une bêta-sécrétase clive l’APP à l’extrémité N-terminale du peptide, tandis qu’une gamma-sécrétase exerce son action de l’autre côé. C’est la bêta-sécrétase qui vient d’être identifiée par l’équipe de Martin Citron de la firme californienne Amgen (Thousand Oaks).
Plutôt que d’isoler l’enzyme, les chercheurs ont entrepris d’identifier le gène qui code pour cette protéine.
Pour ce faire, ils ont utilisé des cellules en culture qui surexpriment l’APP. Ils y ont introduit un grand nombre de gènes clonés (environ 8.600 pools d’ADN complémentaires) afin de déterminer quels pools d’ADN étaient capables de stimuler le clivage de l’APP et donc augmenter la production du peptide amyloïde. De proche en proche, Robert Vassar et ses collègues sont parvenus à identifier un gène dont la séquence présentait des similitudes avec les protéases aspartiques.
“Ce gène code pour une nouvelle protéine que nous avons baptisé BACE (beta-site APP cleaving enzyme)”, écrivent les auteurs qui font ainsi un clin d’oeil au fameux ACE (angiotensin converting enzyme).
Les chercheurs rapportent que la surexpression de la protéase BACE augmente la quantité des produits de clivage de la bêta-sécrétase, et que la protéine BACE clive l’APP exactement aux mêmes positions où la bêta-sécrétase agit et seulement à ces endroits.
Par ailleurs, l’inhibition de l’expression du gène BACE par un antisens se traduit par une diminution des produits de clivage. De plus, son profil d’expression et sa localisation intracellulaire dans des compartiments de l'appareil sécrétoire (Golgi et endosomes) correspondent à ce que l’on attend d’une bêta-sécrétase.
Tout ceci faire dire aux chercheurs que leurs données apportent de solides arguments pour considérer que la protéase aspartique BACE est bien la bêta-sécrétase tant recherchée. Pour en être définitivement sûr il faut cependant attendre de disposer de données in vivo, en l’occurrence chez des souris transgéniques modèles de la maladie qui surexpriment la protéine APP et chez lesquelles le gène BACE aura été inactivé.
”Il sera important dans les futures études d’étudier si l’expression ou le mode d’action de BACE est anormal dans la maladie d’Alzheimer et s’il existe des allèles de BACE qui augmentent ou diminuent le risque de développer la maladie d’Alzheimer”, soulignent les auteurs. Nul doute également que la course à l'identification de la gamma-sécrétase est plus que jamais d'actualité.
Enfin, l’identification de BACE ouvre la voie au développement d’inhibiteurs spécifiques par une approche rationnelle. On connaît en effet deux exemples où la connaissance de la structure d’une protéase aspartique a débouché sur un progrès thérapeutique majeur : la rénine et la protéase du VIH-1.
L'espoir est que ces inhibiteurs de BACE empêchent la formation de nouvelles plaques amyloïdes, voire fassent disparaître celles qui sont constituées.
Source : Science, 286 : 650-651, 735-40.
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