Pourquoi il faut encourager le développement de la télémédecine en France
Le projet de loi Santé 2022 a suscité de vifs débats au sein de l’Assemblée Nationale ces dernières semaines : la France tente tant bien que mal de soigner les difficultés d’accès aux soins de sa population. Face à la désertification médicale et à la croissance soutenue et insoutenable des passages dans les services d’urgences, les différents acteurs de la santé se sont concertés depuis mai 2017, dans le cadre du mandat de la Ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, pour proposer une offre de soins adéquate pour les Français.
Acteurs territoriaux, pharmaciens, médecins, hôpitaux, paramédicaux, tous professionnels de santé confondus sont convaincus que la démographie médicale est insuffisante, que sa répartition sur le territoire est inadaptée, et que le parcours de soins des patients n’est pas optimisé.
La télémédecine, portée par ce Plan Santé, entend répondre à une partie des besoins des Français en décloisonnant le parcours de soins et en augmentant l’offre. On entend principalement parler de téléconsultation, mais cette dernière est accompagnée de ses confrères téléexpertise, télésurveillance, téléassistance, télémédecine en officine, qui ont tous même vocation à fluidifier la prise en charge des patients, et à libérer du temps aux professions médicales. La logique est la même pour ces dérivés de la télémédecine : accélérer la prise en charge des patients dans un pays qui manque cruellement d’une offre de soins homogène.
La télémédecine permet ainsi de répondre à un certain nombre d’enjeux de taille à l’échelle du territoire : absence de médecins dans certaines zones géographiques — des quartiers aux portes de la capitale sont même catégorisés « déserts médicaux » compte-tenu de la faible densité médicale par habitant —, difficultés à obtenir l’avis médical d’un spécialiste en temps raisonnable, impossibilité de consulter son médecin traitant dans un délai compatible avec son état de santé. Grâce à une téléconsultation, certaines pathologies peuvent éviter le déplacement du médecin et du patient, ainsi que l’examen clinique, tout en garantissant une réponse médicale de qualité : pour ne citer quelques cas, renouvellement d’ordonnance ou suivi de patients chroniques par le médecin traitant.
L’avenant 6 à la convention médicale, et le remboursement des actes de téléconsultation par la Sécurité Sociale — qui est donc rentrée officiellement dans le droit commun le 15 septembre 2018 — ont été les pierres angulaires du développement de la télémédecine en France. Deux cas d’usage sont ainsi décrits dans cet avenant : un patient, en vidéo, avec son médecin traitant — ou un médecin ayant vu ce patient dans les douze derniers mois —, et le cas - non peu fréquent, compte-tenu de la démographie médicale - où le patient n’a pas de médecin traitant, ou bien son médecin traitant n’est pas disponible dans un délai compatible avec son état de santé. Dans ce dernier cas, il sera nécessaire que le médecin fasse partie d’une structure territoriale de soins adaptée (aussi appelée CPTS), afin de réintégrer de manière adéquate le patient au parcours de soins coordonné. Après des années d’expérimentation, la France met légèrement de côté son aversion au risque et à l’innovation et prend la décision de suivre quelques-uns de ses voisins européens qui ont, eux, prouvé le concept en amont.
L’intérêt de la digitalisation de la prise en charge se retrouve également dans les chiffres : près de 65 % des soins non programmés peuvent être résolus par une téléconsultation. Ainsi, des retours d’expériences de nombreux médecins ont montré que des hospitalisations ont pu être évitées, grâce à une réponse médicale rapide dans une zone où l’offre de soins était insuffisante. Les patients ont ainsi vu leur prise en charge accélérée, et des coûts conséquents ont épargné la Sécurité Sociale. Une comparaison osée montrerait ainsi que la téléconsultation d’urgence — médecin traitant non disponible ou pas de médecin traitant dans le cas d’une urgence ressentie —, facturable vingt-cinq euros, n’a rien à envier à l’immobilisation d’une place en hôpital évaluée à plusieurs milliers d’euros.
D’aucuns diront que la télémédecine, en bouleversant les standards traditionnels de la prise en charge en cabinet des patients, « ubérise » la profession médicale et la met grandement en péril. Mais l’innovation de rupture apportée par la télémédecine vient en réalité aider les professions médicales dans leur démarche : en évitant des déplacements aux médecins, en leur proposant d’appliquer une cotation médicale aux réponses à distance qu’ils ne facturaient pas auparavant, en leur offrant la possibilité d’un exercice flexible temporellement et géographiquement, le développement de la téléconsultation facilite l’exercice des médecins tout en accélérant la réponse médicale.
La télémédecine doit servir à :
- fluidifier la prise en charge des patients en soins non programmés en apportant une réponse médicale rapide et adaptée
- représenter une offre attractive pour les médecins — dont le mode d’exercice a profondément évolué
Elle reste humaine, avec un professionnel de santé présent, à l’écoute, qui fait un diagnostic précis, face aux interrogations et aux urgences ressenties de son patient.
La prise en charge est professionnelle et encadrée, avec des médecins formés et suivant des protocoles médicaux précis rédigés par un comité médical expérimenté. Enfin, il est préférable que les médecins conservent en parallèle une activité clinique, ce qui leur permet de garantir une réponse médicale de qualité pour tous types de pathologies.
Le parcours de soins 2.0 du patient arrive à grands pas, n’ayons pas peur d’être fer-de-lance de cette prise en charge de demain !
par Nathaniel Bern, cofondateur de Medadom
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