#Alcoolisme : le Baclofène n’a pas apporté les preuves de son efficacité pour le CNGE
Alors que le Baclocur, une spécialité à base de Baclofène du laboratoire Etyphram a obtenu une AMM dans le traitement de l’alcoolisme, le conseil scientifique du Collège des Généralistes Enseignants (CNGE) vient de rendre un avis qui stipule que son efficacité n’a pas été prouvée de manière convaincante. Les effets indésirables notamment d’ordre psychiatrique sont également mis en lumière par le CNGE qui rappelle les médecins généralistes à leur obligation d’information claire et loyale vis-à-vis de leurs patients.
Pour étayer son propos, le CNGE s’appuie sur la méta-analyse Cochrane, publiée en 2018, qui ne permettait pas d’établir les preuves de son efficacité pour maintenir l’abstinence et/ou réduire la consommation d’alcool. Cette méta analyse comprenait notamment l’essai ALPADIR, mené en France. Cependant, la plupart des essais négatifs avaient évalué des posologies maximales de baclofène plus faibles que celles des essais ayant des résultats significatifs4.
Ces données viennent d’être complétées par la publication de Bacloville, un essai clinique randomisé en double insu qui a évalué le baclofène (titration de la posologie avec médiane = 180 mg/j) versus placebo sur 320 patients ayant une consommation à risque élevé d’alcool (en moyenne 129 g/j). Le critère de jugement principal était une consommation d’alcool à faible risque selon les seuils de l’OMS au cours du 12e mois. Le taux de succès a été de 57 % dans le groupe baclofène et de 36 % dans le groupe témoin, différence absolue = 21 % ; IC95 % = 8,1-33,8, nombre de sujets à traiter (NNT) pour obtenir 1 cas de diminution de consommation en plus = 5, et risque relatif = 1,59 ; IC95 % = 1,17-2,15. Au cours des 12 mois de l’essai, la différence de consommation quotidienne moyenne d’alcool a été de 11 gr/j (1 verre) entre les 2 groupes en faveur du Baclofène. Les résultats sur les critères de jugement secondaires (nombre de jours avec consommation excessive, scores d’évaluation du craving, qualité de vie, paramètres biologiques) n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes. Les effets indésirables graves ont été plus fréquents dans le groupe baclofène (nombre de sujets à traiter pour entraîner un évènement indésirable en plus = 7) avec notamment des effets indésirables psychiatriques et davantage de décès dans le groupe baclofène que le groupe placebo.
Pour le CNGE, ces résultats sont difficilement interprétables pour deux raisons :
— moins de 25 des patients ont rapporté leur consommation d’alcool au cours du 12e mois.
— ine probable levée de l’insu qui pourrait entraîner une surestimation de la différence entre les groupes.
Par ailleurs en ce qui concerne la sécurité d’emploi, des posologies de plus de 200 mg ont été associées à un risque plus important d’effets indésirables. L’analyse des données de sécurité issues de la RTU6 accordée par l’ANSM a montré qu’au-delà de 180 mg/jour, la fréquence relative des hospitalisations était augmentée de 46 % et le risque de décès était multiplié par 2,3. Pour ces raisons, lors du renouvellement de la RTU7, une posologie maximum a été établie à 80 mg/j, posologie afin de limiter le risque iatrogène, mais pour laquelle il n’y a aucune preuve solide d’efficacité.
Le 23 octobre 2018, l’ANSM a accordé une AMM au Baclocur®, spécialité à base de baclofène avec comme indication la réduction de la consommation d’alcool, après échec des autres traitements médicamenteux disponibles, chez l’adulte ayant un trouble de l’usage de l’alcool et une consommation à risque élevé (> 6 verres/j chez les hommes et 4 chez les femmes).
La commission de transparence de la HAS a considéré que dans cette indication et dans le strict respect de la posologie de l’AMM, le service médical rendu était faible. Elle a également octroyé une amélioration du service médical rendu de niveau V en positionnant le Baclocur® en dernier recours dans la stratégie thérapeutique.
Le Conseil scientifique du collège national des généralistes enseignants tient à rappeler aux médecins généralistes qui prescriraient du baclofène dans le cadre d’une décision médicale partagée, après information claire et loyale de leur patient, que :
- Ce médicament n’a pas prouvé son efficacité de façon convaincante ;
- Son profil de tolérance obère sa balance bénéfice/risque, et les effets indésirables psychiatriques doivent être particulièrement recherchés ;
- La titration progressive du baclofène doit correspondre à la tolérance individuelle ;
- Le suivi médical doit être régulier ;
- En l’absence d’efficacité à 3 mois, un sevrage progressif doit être planifié et d’autres stratégies thérapeutiques doivent être envisagées.
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