Sous le microscope : Contrôle de la qualité et de la conformité dans la fabrication pharmaceutique

Sous le microscope : Contrôle de la qualité et de la conformité dans la fabrication pharmaceutique Par : Jennifer Lopez, Directrice, Prestation de Solutions chez Maetrics Le marché pharmaceutique américain est le plus vaste marché national de la planète : en 2016, les États-Unis détenaient à eux seuls plus de 45 % du marché pharmaceutique mondial, soit environ 446 milliards de dollars[1]. Beaucoup des plus grandes sociétés pharmaceutiques mondiales sont américaines, avec en tête de file Johnson & Johnson, Pfizer et Merck & Co. Plusieurs autres grandes sociétés pharmaceutiques non américaines, telles que AstraZeneca (britannique/suédoise) et Novartis (Suisse) intègrent le classement grâce à leur chiffre d’affaires aux États-Unis[2]. Quoique produisant 75 % de leurs produits pharmaceutiques, les États-Unis n’en demeurent pas moins le premier importateur mondial, avec 86 milliards de dollars d’importations en 2015 (deux fois plus qu’il y a dix ans) en provenance d’Irlande, d’Allemagne, de Suisse, d’Israël et d’Inde.[3]

Le marché pharmaceutique mondial devrait passer d’environ 1000 milliards de dollars en 2015 à 1300 milliards de dollars en 2020 (soit un taux de croissance annuel de 4,9 %)[4]. Plusieurs tendances démographiques et économiques sont à l’origine de cette croissance mondiale, notamment le vieillissement rapide de la population et la progression des maladies chroniques qui est y associée, l’accroissement de l’urbanisation, la hausse des dépenses nationales dans les services de santé et la demande croissante pour des traitements plus efficaces[5]. Il est intéressant de noter que les entreprises chinoises produisent désormais 40 %[6] des ingrédients pharmaceutiques actifs (API) de la planète, et d’en déduire que ces produits sont largement utilisés sur le marché américain. Face à cette hausse de l’activité transfrontalière, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a intensifié sa surveillance des sociétés nationales et étrangères qui fabriquent, traitent ou conditionnent des produits consommés aux États-Unis. Pour les fabricants, le moment est venu de renforcer les procédures opérationnelles afin de combler toutes les lacunes.

Les lettres d’avertissement de la FDA

La FDA a annoncé que le nombre de lettres d’avertissement envoyées aux sociétés pharmaceutiques en 2017 demeurait significativement supérieur aux niveaux de 2013, ce qui indique une hausse préoccupante des non-conformités aux Current Good Manufacturing Practices (cGMP). Les cGMP imposées par la FDA américaine sont des systèmes qui garantissent la conception, le suivi et le contrôle adéquats des processus et installations de fabrication[7]. Il est important de se souvenir que les cGMP ne sont que des exigences minimales ; de nombreuses sociétés pharmaceutiques ont déjà mis en place des systèmes de qualité complets et modernes, ainsi que des plans de gestion des risques qui dépassent les normes minimales.

Une lettre d’avertissement signifie qu’un inspecteur a effectué une visite du site et délivré un formulaire « form-483 » (remis à la direction de l’entreprise après l’inspection si les enquêteurs ont observé des conditions qui, à leur avis, pourraient être en violation du Food Drug and Cosmetic Act[8]) dressant la liste des observations considérées comme posant de sérieux risques réglementaires. La hausse du nombre de lettres d’avertissement ne se limite pas aux entreprises américaines, et concerne également les fabricants étrangers. Les inspections insatisfaisantes de la FDA ont un impact profond sur les résultats des entreprises, en raison des dommages réputationnels et des coûts élevés associés aux actions correctives. Elles ont aussi une influence négative sur le processus d’autorisation de mise sur le marché des nouveaux produits, qui peuvent potentiellement être exclus des marchés, augmentant encore davantage les pressions financières déjà exercées par la concurrence mondiale.

S’il est vrai que les lettres d’avertissement ont un impact fiscal sur les fabricants, une société pharmaceutique non conforme aux normes réglementaires pose aussi une véritable menace à la santé publique. Par exemple, à la suite d’une inspection de la FDA en 2015, une usine basée au Royaume-Uni a dû rappeler plus de 427 000 produits à risque de contamination croisée par la pénicilline dans le processus de fabrication qui présentaient « des risques graves pour la santé des patients, y compris l’anaphylaxie et la mort »[9]. La FDA et d’autres autorités réglementaires internationales ont déjà trouvé de nouvelles manières de collaborer et de se partager le fardeau des inspections, dans le but d’accroître leur efficacité et de mieux remplir leurs objectifs de protection de la santé publique[10].

Quelles sont les principales non-conformités des fabricants ?

D’après la FDA et l’Agence Européenne du Médicament (AEM) (qui partagent les mêmes principes de base), les principales non-conformités dans le secteur de la fabrication pharmaceutique sont : « les responsabilités et procédures applicables au contrôle qualité ne sont pas couchées par écrit ou  correctement suivies » et « l’absence de procédures écrites régissant les contrôles de production et de processus »[11]. De nombreux domaines de non-conformité ont été identifiés dans des usines du monde entier. Citons notamment, sans que la liste soit exhaustive : manipulation systématique des données, manquement à exercer des contrôles suffisants sur les systèmes informatiques afin d’éviter l’accès non autorisé aux données et manquement à détruire de façon appropriée les documents relatifs à la qualité.

Les fabricants sont aussi coupables de lacunes de qualité associées à la contamination, l’hygiène et les systèmes de gestion de la qualité. En 2016, une lettre d’avertissement a été envoyée à une société espagnole, car elle ne disposait pas de mécanismes de contrôles en laboratoire[12] adéquat et à une société néerlandaise, car elle est n’affichait pas une « conformité satisfaisante » aux spécifications définitives de ses lots de médicaments avant leur libération ».[13] Au Danemark, un important fabricant américain a dû rappeler des gouttes de vitamine D destinées aux enfants et aux femmes enceintes dont la concentration active était « 75 fois trop élevée ».[14]

Réduire les risques

Les fabricants pharmaceutiques faisant désormais l’objet d’un nombre d’inspections toujours croissant, il est clair que l’industrie pharmaceutique doit s’assurer d’urgence que ses contrôles de qualité, de sécurité et de risque sont conformes aux normes réglementaires ou courir le risque de perdre des occasions commerciales. Dans de nombreux cas, il est vivement conseillé de faire appel à des consultants spécialisés pour superviser en interne l’amélioration de la conformité et dresser une feuille de route d’actions correctives efficaces. Un consultant externe peut être un atout précieux, car il possède une vaste expérience des meilleures pratiques dans une variété d’entreprises. Qu’il s’agisse de la prise d’actions préventives ou de la remise en conformité pour donner suite à une non-conformité, le consultant peut aider à répondre aux formulaires 483 et aux lettres d’avertissement, tout en adoptant une approche globale de la remédiation et de la conformité réglementaire.

Une meilleure mise en conformité aide non seulement les entreprises à éviter les pièges pendant l’inspection, mais présente aussi de nombreux avantages commerciaux, tels qu’une meilleure compréhension de la demande et de la capacité et une aptitude accrue à évaluer et gérer la perturbation des activités. Lorsque les fabricants externalisent certaines de leurs activités, il est aussi important qu’ils surveillent et évaluent régulièrement tous leurs services externalisés et mettent en place un mécanisme de capture et d’analyse des données pour obtenir un aperçu en temps réel de la situation. Des contrats de fourniture et de qualité bien planifiés, bien documentés et bien exécutés sont essentiels au contrôle de la qualité du produit final. À terme, la mise en place de ces processus permettra de réduire les coûts grâce à un approvisionnement continu et d’éviter les rappels de produits, les réclamations et les non-conformités.

Les fusions et acquisitions dans le secteur pharmaceutique mondial sont un autre facteur qui peut compliquer les chaînes d’approvisionnement et augmenter les risques. Les domaines de non-conformité ne sont souvent ni identifiés, ni gérés adéquatement dans le but d’accélérer le processus de clôture de la transaction. Mais les sociétés pharmaceutiques ne peuvent se permettre de se dérober à la due diligence.

En matière d’audit, l’audit des fournisseurs est en bas de la longue liste des priorités. Lorsque les sociétés pharmaceutiques externalisent l’audit de leurs fournisseurs, elles doivent impérativement mettre en place un accord technique et de qualité robuste pour gérer ces fonctions, afin de garantir que cet aspect clé du système de gestion de la qualité n’est pas négligé et, au final, que les risques opérationnels et commerciaux sont maîtrisés.

La voie à suivre

Le contrôle de la conformité dans le secteur de la fabrication pharmaceutique a de toute évidence évolué, principalement en raison du changement rapide de l’industrie. Les autorités mondiales ont commencé à collaborer pour promouvoir la transparence et la sécurité dans leurs secteurs, et les contrôles de qualité et de conformité vont continuer de se renforcer. Aux États-Unis et en Europe, les fabricants pharmaceutiques qui souhaitent poursuivre leur croissance et démarquer leurs marques sur un marché très compétitif doivent se mettre en conformité avec les normes cGPM les plus exigeantes, mettre en œuvre une stratégie d’audit réaliste et maîtriser les risques dans leurs chaînes d’approvisionnement de plus en plus complexes.

 
Sous le microscope : Contrôle de la qualité et de la conformité dans la fabrication pharmaceutique Jennifer Lopez, Directrice, Prestation de Solutions chez Maetrics


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