Et si les recommandations d'apport calcique étaient excessives ?

Les recommandations d'apports en calcium sont régulièrement revues à la hausse, dans une optique de prévention de l'ostéoporose. Mais à côté du calcium, on connaît aujourd'hui d'autres facteurs nutritionnels qui contribuent à limiter les pertes osseuses.

Un élément majeur du squelette

De tous les minéraux, le calcium a un statut particulier : c'est un élément majeur du squelette qui en accumule environ 1 kg. En faisant l'hypothèse qu'il faut 20 ans pour stocker une telle quantité, on aboutit à une moyenne de fixation quotidienne dans l'os d'environ 140 mg. Le niveau de stockage du calcium ingéré peut varier de 15 à 30 % selon que l'apport quotidien est plutôt élevé (voisin de 1 g) ou plutôt faible (voisin de 0,5 g). Compte tenu que l'absorption digestive du calcium est limitée par sa solubilité et qu'il existe des pertes urinaires qu'il faut compenser, on comprend l'intérêt qu'il y a, de l'enfance jusqu'au début de l'âge adulte, à disposer de suffisamment de calcium pour atteindre un pic maximal de densité osseuse.

Le rôle des facteurs "extra-calciques"

Depuis quelques années, les recommandations d'apport calcique sont passées d'environ 800 mg à 1200 mg/jour. La part du calcium stockée étant largement minoritaire par rapport au calcium ingéré, y a-t-il un réel intérêt à recommander des apports de plus de 1 g/jour ? On peut se le demander quand on sait qu'il existe un contrôle endocrinien très rigoureux du métabolisme calcique. L'organisme semble fixer le calcium à sa convenance, en fonction de la croissance, de facteurs nutritionnels, vitaminiques (vitamines D et K) et environnementaux. Ces facteurs "extra-calciques" agissent de concert pour contrôler le métabolisme osseux. Bien que très importants, ils ne dispensent pas d'un apport suffisant de calcium alimentaire pour éviter que le calcium disponible dans l'intestin ne soit un facteur limitant.

Des arguments scientifiques nouveaux

S'il est prudent de conseiller des apports élevés en calcium avec une bonne biodisponibilité pour favoriser l'accrétion osseuse, doit-on pour autant se rallier aux recommandations actuelles de 1,2 g par jour ou plus ? Une analyse rigoureuse de la littérature et d'arguments scientifiques nouveaux semblent prouver que non…

Le premier argument est d'ordre épidémiologique : au niveau mondial, on observe la plus grande prévalence de l'ostéoporose dans les populations occidentales, qui ingèrent pourtant les plus fortes quantités de calcium. Il y a donc manifestement d'autres facteurs nutritionnels et environnementaux à prendre en compte…

L'os est un tissu vivant, en perpétuel remaniement sous l'action de deux types cellulaires : les ostéoblastes pour la fixation et les ostéoclastes pour la mobilisation du calcium osseux. Malheureusement, le bilan de ces activités cellulaires n'est positif que jusqu'à l'âge de 30 ans environ. Ensuite, le réservoir de calcium osseux se vide inexorablement, surtout après la ménopause chez la femme, pour atteindre une valeur critique en deçà de laquelle les risques de tassements cérébraux ou de fractures sont accrus. Durant cette deuxième partie de la vie, l'organisme ne peut plus assurer une fixation nette du calcium ingéré car les flux osseux de calcium s'annulent. Les aspects quantitatifs semblent donc secondaires par rapport aux facteurs qui contrôlent le métabolisme osseux.

Compenser les pertes urinaires en calcium

En théorie, le calcium libéré pourrait suffire au maintien de l'anabolisme osseux. En théorie seulement, car le calcium fuit dans les urines. Or, le discours de prévention n'est pas suffisamment focalisé sur le contrôle de ces pertes urinaires. On connaît pourtant deux grands facteurs nutritionnels d'hypercalciurie, qui sont particulièrement fréquents dans le pays occidentaux : l'excès de chlorure de sodium et l'excès d'apport protéique.

En terme de bilan calcique, les choses sont relativement simples : l'absorption digestive du calcium sert à compenser les pertes urinaires. C'est un point essentiel car si celles-ci n'étaient pas compensées par l'apport digestif, elles le seraient par le catabolisme de l'os, ce qui accélérerait sa détérioration.

Augmenter les apports en calcium sans se préoccuper des pertes urinaires équivaut à augmenter le débit d'eau dans un bassin qui fuit. Au plan physiologique, on ne peut pas, bien sûr, supprimer totalement les pertes calciques. Mais de là à ne mettre l'accent que sur les apports… C'est un pas que bien des discours nutritionnels ont franchi par facilité ! Consommer plus de 1000 mg de calcium par jour pour combler les 100 à 150 g de fuites urinaires quotidiennes, sans se préoccuper des facteurs contrôlant minimiser les pertes urinaires de calcium, et en particulier au rôle des produits végétaux riches en potassium ces pertes ne semble donc pas très rationnel…

C'est sans doute pour cette raison que la recherche s'intéresse de plus en plus aux facteurs nutritionnels susceptibles de. Grâce à ces travaux, on devrait ainsi disposer de conseils alimentaires plus efficaces pour la prévention de l'ostéoporose et facilement observables par la majorité de la population.

Pr Christian Rémésy

- Avril 2000 - Source APRIFEL (Equation-Nutrition n°4)

Directeur de Recherche, INRA

APRIFEL - Agence pour la Recherche et l'Information en Fruits et Légumes frais

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