Antibiotiques dans l’angine à streptocoque A : le CNGE propose une réévaluation de la balance bénéfices / risques

Antibiotiques dans l’angine à streptocoque A : le CNGE propose une réévaluation de la balance bénéfices / risques Les recommandations actuelles pour la prescription d'antibiotiques dans le traitement de l'angine à streptocoque A suscitent des débats d'autant plus d'actualités que les pharmaciens sont désormais autorisés à délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour les angines. Le Conseil Scientifique du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE) propose une réévaluation de ces pratiques à la lumière des risques de résistance et des bénéfices cliniques limités.

Risques associés et efficacité des antibiotiques

En France, la prescription d'antibiotiques pour les angines aiguës avec un test de diagnostic rapide (TDR) positif repose sur la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et des complications locales comme les phlegmons. Cependant, le risque de RAA est inférieur à 1/100 000 angines en France métropolitaine et concerne principalement les enfants de 5 à 15 ans. Les études soutenant l'efficacité des antibiotiques pour prévenir le RAA datent d'avant 1960 et sont de faible qualité méthodologique.

Les complications locales, telles que les phlegmons, sont rares. Une méta-analyse Cochrane indique une réduction du risque de phlegmon de 1% à 0,16% avec antibiothérapie, mais cette étude est basée sur des données anciennes et biaisées. En conséquence, les recommandations européennes ne considèrent pas la prévention des complications locales comme une indication suffisante pour l'antibiothérapie.

Contagiosité et résistance aux antibiotiques

Limiter la contagiosité des infections invasives à streptocoques du groupe A (IISGA) est souvent cité comme un argument en faveur des antibiotiques. Cependant, les preuves pour soutenir cet argument sont faibles. Deux études suggèrent que la durée du portage bactérien est réduite à 24-48 heures sous antibiothérapie, mais sans groupe témoin pour comparaison. Une autre étude a montré que 72% des patients non traités étaient toujours porteurs à deux semaines contre 32% des patients traités par pénicilline pendant une semaine.

La France a constaté une augmentation des IISGA, avec un taux de mortalité estimé à 20%. L'incidence est passée de 2,2/100 000 en 2003 à 4,4/100 000 en 2019. Les mesures barrières pendant la pandémie de Covid-19 ont temporairement réduit cette incidence, mais une recrudescence a été observée en 2022.

En termes de bénéfices individuels, l'antibiothérapie réduit l'intensité des maux de gorge au troisième jour de traitement mais n'améliore pas significativement la fièvre. Les risques de résistance aux antibiotiques, notamment aux entérobactéries multirésistantes après traitement à la pénicilline, sont également une préoccupation majeure.

Divergences internationales et recommandations

Les recommandations belges et écossaises diffèrent de celles de la France. Ces pays recommandent de ne pas identifier systématiquement la cause bactérienne ou virale des angines non compliquées et de ne pas prescrire d'antibiotiques, sauf pour les patients à risque de formes graves. En Belgique, cette approche n'a pas entraîné une augmentation notable des IISGA malgré une diminution des prescriptions d'antibiotiques.

En conclusion, le conseil scientifique du CNGE soutient que pour les angines sans risque de forme grave et avec une douleur tolérable, le traitement par antalgiques sans TDR ni antibiotiques est raisonnable. Un TDR et une antibiothérapie sont justifiés uniquement en cas de risques identifiés. Il est essentiel de mener de nouveaux essais cliniques pour réévaluer la balance bénéfice/risque des antibiotiques dans l'angine et adapter les recommandations en conséquence.

 

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