Végétaux et cancer : une vraie révolution
Faut-il encore le répéter ? Une alimentation riche en fruits et en légumes réduit le risque de cancer (en particulier du colon, du poumon, de la prostate et du sein).
On s'est beaucoup intéressé aux effets protecteurs des fibres et du ß carotène pour tenter d'expliquer cet effet protecteur. Ainsi, en diluant des carcinogènes présents dans la lumière intestinale, les fibres réduiraient leur toxicité et, par conséquent, la survenue d'un cancer. On sait également qu'un régime riche en fibres, quand on en supporte les contraintes, est bénéfique en cas de polypose familiale… Quant au ß carotène, les essais infructueux de supplémentation (en particulier l'étude CARET et l'étude ATBC dont les effets ont été à l'opposé de ceux attendus sur le cancer du poumon chez des fumeurs) ont mis un bémol aux espoirs qu'on avait placés dans cet anti-carcinogène potentiel. Ils ont eu le mérite de recentrer l'attention sur les végétaux dans leur globalité.
On s'est donc intéressé de plus près aux fruits et des légumes et à leurs microconstituants, qui pourraient agir de quatre façons contre le développement du cancer :
- En protégeant les cellules contre certains carcinogènes par un effet antioxydant,
- En interférant avec le métabolisme des xénobiotiques,
- En s'opposant à la prolifération cellulaire,
- En modulant la biologie des cellules tumorales.
Des antioxydants contre le cancer
La nature est bien faite : les boissons les plus courantes nous fournissent des antioxydants parmi les plus puissants, comme les phytoalexines, du jus de raisin et du vin rouge, et les polyphénols du thé. Le resvératrol du vin rouge est une substance antioxydante et anti-inflammatoire, capable d'inhiber la carcinogenèse à tous ses stades (initiation, promotion et progression).
Ses actions sont multiples : anti-oxydante, anti-mutagène et protecteur d'enzymes impliqués dans l'excrétion des xéno-biotiques par l'organisme. Chez l'animal, le resvératrol est un puissant inhibiteur de la progression des tumeurs du sein et de la peau.
Autre composé prometteur : le curcumin. Ce pigment du safran a démontré de réelles propriétés protectrices contre les cancers du colon et de la peau. Il contrôle la carcinogenèse de différentes façons : il est fortement anti-inflammatoire et anti-oxydant, régule la production de NO (monoxyde d'azote) par les macrophages, s'oppose à la prolifération cellulaire et inhibe la synthèse de prostaglandines par les cyclo-oxygénases (ayant ainsi une véritable action anti-inflammatoire non stéroïdienne). Il s'oppose expérimentalement à la progression des tumeurs de l'estomac et du colon chez l'animal, et pourrait peut -être prévenir la survenue des leucoplasies orales chez les fumeurs…
Les recherches portant sur les vertus préventives du thé ont littéralement explosé depuis quelques années. Les polyphénols, libérés par son infusion, sont des antioxydants encore plus puissants que les vitamines C et E. Chez l'animal, ils préviennent la survenue des cancers cutanés et, en particulier ceux du thé vert, protégeraient contre le cancer du colon…
Chez l'homme, les polyphénols sont bien absorbés et bien distribués dans l'organisme. Des essais cliniques, étudiant les effets du thé vert sur la muqueuse colique, sont en cours…
Eliminer les carcinogènes
Une autre façon d'inhiber la carcinogenèse est d'altérer le métabolisme des xéno-biotiques. Les composés végétaux peuvent agir à deux niveaux : en inhibant l'activation des carcinogènes potentiels par le cytochrome P 450 (phase 1) ou en favorisant leur détoxification par les enzymes de phase 2. Deux classes de micronutriments illustrent cette dualité d'action : ceux des crucifères et ceux des alliacés.
Les crucifères (brocoli, chou-fleur, chou de Bruxelles) contiennent des isothiocyanates, qui sont d'excellents anticarcinogènes chez l'animal au niveau du colon et de l'œsophage. Ce sont, en quelque sorte, des inhibiteurs compétitifs de l'activation des carcinogènes par le système des cytochromes. Leur capacité à empêcher l'activation des nitrosamines (impliqués dans la survenue des cancers de l'œsophage, de l'estomac du foie, du grêle et du colon) a été bien étudiée. Leur action est limitée aux premières étapes de la carcinogenèse (interactions carcinogènes-cellules cibles). Second mécanisme protecteur : la détoxification des carcinogènes.
L'exemple classique : les alliacés (ail, poireaux, échalotes) dont les composés soufrés (à l'origine de leur odeur caractéristique) s'opposent à la progression de nombreuses tumeurs expérimentales (œsophage, foie, colon). Leur action est retardée, car il faut du temps pour induire les enzymes de phase 2 (comme la Glutathion S Tranférase ou GST qui fait l'objet de nombreux travaux), et nécessite une exposition permanente de l'organisme pour être durable.
Induire l'apoptose des cellules tumorales ?
Les derniers grands mécanismes d'action des végétaux dans la prévention des cancers sont moins bien connus. Ils concernent l'inhibition de la prolifération cellulaire et les interactions avec le métabolisme des cellules. Ainsi, on a beaucoup étudié l'induction de l'apoptose par certains composés comme les monoterpènes et le limonène des agrumes.
Chez le rat, ils sont capables de faire régresser les tumeurs mammaires et de prévenir les cancers hépatiques par un tel mécanisme.
A coté de la prévention, qu'en est-il des possibilités de traitement par certains microconstituants végétaux ?
La vitamine A, ses précurseurs et ses métabolites, ont effectivement démontré qu'ils pouvaient faire régresser des lésions précancéreuses de la cavité buccale. Derrière leur capacité à induire l'apoptose des cellules malignes, ces composés pourraient également restaurer les capacités fonctionnelles des cellules normales.
Sans justifier tout à fait l'engouement actuel pour les médecines dites "naturelles", un tel tour d'horizon a le mérite de montrer que la prévention et le traitement des cancers par l'alimentation ne sont pas des "vues de l'esprit".
Ce que l'épidémiologie nous avait appris, la biochimie et la biologie moléculaire sont peut être sur le point de nous l'expliquer…
D'après : Wargovich MJ, Current opinion in gastroenterology, 1999, 15 : 177-180
Dr Thierry Gibault
- Juin 2000 - Source APRIFEL (Flash 2000 - Santé News)
APRIFEL - Agence pour la Recherche et l'Information en Fruits et Légumes frais
60 rue du Faubourg Poissonnière
75010 PARIS
Tel : 01 49 49 15 15 Fax : 01 49 49 15 16
Email : aprifel@interfel.com
Descripteur MESH : Légumes , Poumon , Prostate , Risque , Cellules , Thé , Tumeurs , Polyphénols , Métabolisme , Prolifération cellulaire , Enzymes , Apoptose , Antioxydants , Biologie , Peau , Vin , Essais , Estomac , Foie , Oxygénases , Prostaglandines , Vitamines , Recherche , Santé , Temps , Tumeurs du sein , Tumeurs expérimentales , Vertus , Ail , Épidémiologie , Anticarcinogènes , Attention , Azote , Biochimie , Biologie moléculaire , Boissons , Colique , Cytochromes , Échalotes , Nitrosamines , Glutathion , Isothiocyanates , Lumière , Macrophages , Micronutriments , Monoterpènes , Muqueuse , Nature