Les névralgies du trijumeau

Le point complet sur les névralgies du trijumeau


B. Brochet; CHU de Bordeaux
mise à jour : juin 2000

Orientation diagnostique

Deux territoires: Névralgie du trijumeau (V), névralgie du glosso-pharyngien (IX). 2 cadres étiologiques: névralgies symptomatiques, névralgies essentielles.

Névralgies sensitives de la face

Elles est assurée pour l'essentiel de la face par les 3 branches du V:
V1: ophtalmique : autour de l'Sil;
V2: maxillaire supérieur, (joue);
V3: maxillaire inférieur (mandibule, partie antérieure de la langue).
L'angle mandibulaire est innervé par le plexus cervical, comme la partie postérieure du crâne et du front.
Le nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) assure l'innervation de l'oreille et de la zone de Ramsay-Hunt.
La partie postérieure de la langue et du pharynx : IX.

Névralgie du trijumeau

Rappel anatomo-fonctionnel :

le trijumeau est un nerf mixte sensitivo-moteur.
Deux 2 racines naissent de la protubérance annulaire, motrice (innervation des masséters et muscles temporaux) et sensitive. Elles forment le tronc du nerf qui chemine dans l'étage moyen de la base du crâne jusqu'au ganglion de Gasser. Le ganglion de Gasser est situé dans le cavum de Meckel.
Dans le ganglion de Gasser se trouvent les corps cellulaires des neurones sensitifs en T où il existe une somatotopie précise qui préfigure les 3 branches.
Du ganglion naissent les 3 branches terminales nerf ophtalmique de Willis, sensitif (V1) qui pénètre dans l'orbite par la fente sphénoïdale. Son territoire est: front, paupières, arête nasale, angle intérieur de l'Sil et partie de l'angle extérieur, muqueuse conjonctivale et partie des fosses nasales.
Le nerf maxillaire supérieur, sensitif (V2), a pour territoire : tempe, pommette, aile du nez, lèvre supérieure, fosses nasales, voûte palatine, voile du palais, sinus maxillaire, et les dents supérieures. Le nerf maxillaire inférieur, sensitivo-moteur (V3) a pour territoire : la lèvre inférieure, menton, tempe, pavillon oreille, la face interne des joues, le plancher buccal les 2/3 antérieures de la langue.

Névralgie essentielle du V typique (tic douloureux de Trousseau)

Touche 3femmes /5 hommes.
Maximum de fréquence entre 50 et 60 ans.
Douleur en éclair, par crises de quelques secondes (<1'), sans aucune douleur entre les crises.
De début et fin brusque, sans prodromes
A type de décharges électriques, coups de poignards.

Siège caractéristique :le plus souvent unilatéral (bilatéral <5%), dans le territoire de l'une des branches du V: le plus souvent maxillaire supérieur (V2), assez souvent maxillaire inférieur mais plus rarement ophtalmique.
Très rarement: atteinte de 2 branches initialement, mais plus souvent secondairement. La douleur peut être spontanée mais aussi déclenchée par mastication, parole ou par le contact avec une zone gâchette cutanée ou muqueuse. Le simple effleurement de cette zone déclenche la crise qui est suivie d'une période réfractaire de quelques secondes à quelques minutes pendant laquelle la stimulation de cette zone n'a plus aucun effet.
Parfois la douleur est associée à des mouvements de grimace ( d'où le nom de tic) et à des troubles végétatifs très brefs qui n'ont cependant rien à voir avec ce qu'on observe dans les algies vasculaires de la face.
Les crises peuvent évoluer par salves avec des période de rémission.
L'examen est normal en dehors de la zone gâchette. En particulier il n'y a aucune anomalie sensitive faciale. Il n'y a pas d'anomalie sur les autres nerfs crâniens (qu'on recherchera systématiquement). L'examen neurologique doit être complet (afin d'éliminer des causes centrales).
L'examen de la cavité buccale et ORL est normal.
Si la description est typique et l'examen clinique complet strictement normal, il n'est pas nécessaire de pratique des examens complémentaires.
Formes atypiques:
Dans quelques cas la névralgie essentielle n'est pas aussi typique: il existe un fond douloureux entre les crises avec des signes végétatifs plus marqués. Des formes d'allure intermédiaire entre algies vasculaires de la face et névralgie du V (cluster-tic, SUNCT) ont été décrites.
Dans ces cas on pratiquera un bilan étiologique pour éliminer une cause locale. Les patients opérés peuvent voire leur symptomatologie s'abatardire.

Névralgies symptomatiques du V :

Le caractère symptomatique est parfois évident quand la "névralgie" n'est qu'au second plan des autres signes (ex: Wallenberg).
Parfois plus difficile : il faut rechercher un signe atypique ou une -anomalie à l'examen: - douleur continue avec renforcements paroxystiques,
- crises associées à un "endolorissement" plus continu,
- crises plus longues (quelques minutes),
- douleurs sur plusieurs branches du V ou au contraire limitées à une zone très restreinte, - absence de zone gâchette,
- anomalie sensitive permanente dans la branche du V, hypoesthésie cornéenne,
- allodynie locale,
- atteinte motrice du V,
- atteinte d'un autre nerf crânien,
- anomalie neurologique extracrânienne,
- anomalie faciale extra neurologique.
Le diagnostic étiologique repose sur la réalisation d'une imagerie par résonance magnétique nucléaire et parfois d'une étude du LCR.
Causes :
stomatologiques, dentaires, (Ex après extraction), muqueuses, osseuses,
ORL, carcinome du sinus maxillaire,
Neurologiques:
Tumeurs de l'angles ponto cérébelleux ( atteinte autres nerfs crâniens ± des voies longues).
Envahissement néoplasique base du crâne (syndrome de Garcin), méningites carcinomateuse.
Malformations vasculaires : anévrisme carotidien, malformations du tronc basilaires (mais conflit trigémino-vasculaire considéré comme mécanisme principal des névralgies essentielles).
3 causes dominent: SEP, AVC bulbaire (syndrome de Wallenberg, ischémie de l'artère de la fosse latérale du bulbe) et zona du ganglion de Gasser.

Autres névralgies craniennes

Névralgie du IX : plus rare.
Même type de douleur électrique en éclair, paroxystique que la névralgie du V. Mais la topographie est postérieure pharyngée, avec parfois une irradiation auriculaire et mandibulaire.
Il existe des zones gâchettes à la base de la langue ou dans la loge amygdalienne. Parfois les crises sont associées à des syncopes de type vagal.
L'examen est normal.

Névralgie du VIIbis:
dans le lobe de l'oreille. Le plus souvent après zona du ganglion géniculé (avec paralysie faciale).


Traitement

Traitement médical

On se limitera au traitement médical si il est suffisant. Il repose sur les anti-épileptiques.
Le premier médicament a avoir été utilisé a été la phénytoïne (Bergouignan) mais il a été remplacé par la Carbamazépine plus efficace et plus facile d'emploi.
On utilise les formes à libération prolongée 200 LP, 400LP.
On débute par une dose de 100 à 200 mg puis on augmente par paliers de 100mg jusqu'à la dose efficace qui est variable d'un sujet à l'autre (entre 600 et 1200 mg/j). Le dosage sert à s'assurer de la compliance, en cas d'inefficacité ou en cas de suspicion de surdosage.
Les effets secondaires sont observés si on augmente trop vite la dose : ataxie, sédation, confusion. On peut aussi observer indépendamment de la dose, des problèmes cutanés le plus souvent bénins, mais parfois très graves (Lyell) et ils imposent donc l'arrêt définitif du produit. Se méfier aussi de la possible sécrétion inappropriée d'ADH (Hyponatrémie), des effets hématologiques (leucopénie) et de l'effet inducteur enzymatique. Ce dernier peur s'exercer sur le produit lui-même aboutissant à une diminution secondaire du taux sanguin.

Le baclofène (lioresal ®), un antispastique a été proposé surtout en association avec la carbamazépine: il le potentialiserait.
D'autres anti-épileptiques peuvent être essayés: clonazepam, valproatre (hors AMM).

Traitement chirurgical

En cas d'échec du traitement médical on recours à la chirurgie.
L'alcoolisation est abandonnée (risque de récidives et de séquelles neurologiques).
L'injection de glycérol est utilisée dans certains centres.
Pour le V1 la compression du ganglion de Gasser par une sonde à ballonnet est utilisée.
Pour le V2 et le V3 la thermocoagulation du ganglion de Gasser, technique percutanée par le trou ovale, est très utilisée avec des résultats favorables rapportés dans 80 à 85 % des cas. Cette technique est utilisable chez les sujets très âgés. Elle respecte la somatotopie des fibres contrairement au glycérol. Il faut éviter le V1 (risque d'anesthésie cornéenne).
En cas d'échec il est possible de renouveler le geste.
Compte tenu de l'implication probable d'un conflit trigémino-vasculaire des interventions de décompression par voie postérieure sont proposées avec interposition. Il s'agit d'une intervention plus lourde que certains centres réservent aux cas rebelles.

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