Les dysfonctions érectiles
Définition
Le terme dysfonction érectile a remplacé celui d'impuissance, jugé trop péjoratif, lors de la conférence de consensus du NIH en 1993.
La dysfonction érectile ou dysérection est définie par l'incapacité d'avoir ou de maintenir une érection suffisante pour avoir des rapports sexuels satisfaisants.
On distingue les dysfonctions érectiles primaires et les
dysfonctions érectiles secondaires :
-une dysfonction érectile est dite
primaire si l'individu n'a jamais eu d'érection
de qualité suffisante pour accomplir une pénétration :
absence totale d'érection ou érection trop brève.
-une dysfonction érectile est dite
secondaire si l'individu a déjà pu accomplir la
pénétration tout en étant présentement incapable de le faire.
Plus précisément, la dysfonction est considérée comme
secondaire si l'individu ne peut accomplir la pénétration et
parvenir à l'éjaculation dans au moins 75% de ses activités
coïtales.
Certains auteurs ont proposé d'autres distinctions :
-la dysfonction érectile circonstancielle ou
situationnelle : capacité érectile adéquate ou
incapacité érectile seulement dans un contexte
particulier,
-la dysfonction érectile
sélective : la capacité d'obtenir une érection
est liée à la présence de telle partenaire et impossible avec
telle autre,
-la dysfonction érectile permanente :
l'érection persiste indépendamment des circonstances et des
partenaires.
Epidémiologie
La prévalence des troubles de l'érection, tous stades confondus, a été estimée en France à près de 50% au-delà de 50 ans. Près de 20% des hommes de plus de 50 ans interrogés se déclarent non satisfaits de la qualité de leur érection.
(source : enquête Ipsos Santé pour les laboratoires Takeda)
Les 23 et 24 novembre 2001, Ipsos Santé a réalisé une enquête
auprès de 940 personnes constituant un échantillon
représentatif de la population française âgée de plus de 18
ans.
Principaux résultats :
- 28 % des hommes interrogés déclarent avoir eu des troubles
de l'érection au moins de manière occasionnelle.
- 73 % des personnes interrogées ont une opinion très
positive puisqu'ils estiment qu'ils se traitent très
bien.
- 78 % estiment que ces traitements sont de nature à
améliorer la vie sexuelle de la population.
- 39 % des hommes et 28 % des femmes pensent qu'eux-mêmes ou
leurs partenaires seraient susceptibles de se traiter. Ce
pourcentage est plus élevé dans les tranches d'âge moyen (45
% pour les 25-34 ans et 36 % des 35-44 ans) que chez les
jeunes (22 %) ou chez les sujets de plus de 60 ans (17 %).
L'enquête montre à côté de ces données que le caractère tabou des troubles de l'érection est loin d'avoir disparu, 83 % des personnes interrogées estimant que les hommes souffrant de tels troubles n'osent toujours pas consulter. Seuls 3 % des hommes déclarent avoir eu recours à un traitement des dysfonctions érectiles et surtout ce pourcentage n'est que de 10 % chez les hommes ayant déclaré des antécédents de troubles de l'érection.
Le médecin généraliste habituel est désigné comme le référent préféré par une majorité d'hommes (67 %) devant les spécialistes (48 %). Outre le tabou, le manque d'information contribue à la mauvaise prise en charge de ces troubles, 45 % des personnes interrogées seulement jugeant cette information suffisante.
Pour 80 % des personnes interrogées , c'est la sécurité qui est recherchée comme caractéristiques du traitement. Vient ensuite la rapidité d'action, critère jugé très important pour 42 % des gens et assez important par 30 % (les hommes et les jeunes).
(Source : enquête de la Société Française de Médecine Générale)
En 1995, la Société française de médecine générale a mené une
enquête pour répertorier toutes les consultations réalisées
pendant un an par 71 médecins généralistes. Sur cette
période, 164 prises en charge avaient pour motif un problème
de dysfonctionnement sexuel ; 139 concernaient des hommes
qui, dans la grande majorité des cas, consultaient pour une
insuffisance érectile.
Si on se réfère à ces données, un médecin généraliste serait
sollicité en moyenne deux fois par an par des hommes ayant
des problèmes de dysfonctionnement sexuel, ce qui paraît fort
peu en regard de la fréquence estimée de ces troubles dans la
population.
Les troubles de l'érection touchent 10 à 20% des hommes, voire plus selon les tranches d'âge. Leur fréquence passerait de 17% entre 30 et 49 ans à 23% entre 50 et 59 ans, puis à 31% entre 60 et 69 ans. Le patient hésite encore souvent à demander une prise en charge médicale. Cela est probablement lié à une méconnaissance des progrès thérapeutiques, à une résignation quant à son état, et aussi à un sentiment de gêne : seuls 22% des hommes présentant des troubles modérés à sévères consultent.
Physiologie de l'érection
L'érection est un mécanisme vasculo-tissulaire complexe sous contrôle neuropsychique et hormonal. Elle résulte de la mise en tension des corps érectiles (corps caverneux et corps spongieux) qui sont composés de nombreuses cavités communicantes appelées lacunes.
Mécanismes vasculaires
- A l'état flacide, les cellules musculaires
lisses qui constituent les parois des lacunes sont
contractées. Cette vasoconstriction est responsable d'un
diminution de l'apport artériel et d'une mauvaise distension
des sinusoïdes qui restent vides. Cette absence de distension
permet aux veines émissaires de demeurer perméables et
d'assurer un retour veineux normal.
-Au cours de
l'érection, il y'a relaxation des cellules
musculaires lisses. Cette vasodilatation artérielle va
provoquer l'augmentation du remplissage des sinusoïdes et
leur distension. Ces phénomènes vont être responsables d'une
augmentation de volume des corps caverneux qui vont étirer
l'albuginée.
- Les veinules vont se trouver comprimées, le retour sanguin
veineux diminue donc. Ainsi est maintenue la rigidité de la
verge. La pression intracaverneuse atteint à cette phase
environ 90% de la pression artérielle systolique. Ce
phénomène nécessite que l'apport artériel soit rapide et
massif et que l'albuginée soit suffisamment rigide pour
comprimer les veinules de retour.
-La phase de détumescence apparaît dans la majorité des cas après éjaculation, par l'activation du système nerveux sympathique contractant les cellules musculaires lisses artérielles. La baisse du retour artériel associée à l'augmentation de retour veineux explique le retour à l'état de détumescence.
Mécanismes neurologiques
La relaxation des fibres musculaires lisses est
contrôlée par les fibres nerveuses sympathiques et
para-sympathiques grâce à la sécrétion de
neuro-médiateurs.
- Neuro-médiateurs qui favorisent la contraction des cellules
musculaires lisses, s'opposant à l'érection : essentiellement
la noradrénaline.
- Neuro-médiateurs qui favorisent leur relaxation :
l'acétylcholine et le VIP (vasoactive intestinal
peptide).
L'acétylcholine libérée par les terminaisons parasympathiques
va stimuler les cellules endothéliales qui vont libérer du
monoxyde d'azote (NO) des espaces sinusoïdes. Le NO a pour
effet de relâcher les cellules musculaires lisses en
diminuant l'afflux intracellulaire de calcium. Cette action
du NO est rendue possible par l'intermédiaire d'un second
messager, la GTP, qui se transforme en GMP cyclique sous
l'effet du NO.
Les différents types d'érection
On différencie trois types d'érection en fonction du mode de stimulation ou des circonstances de survenue de l'érection :
- les érections psychogènes
Elles sont générées par des stimuli sensoriels tactiles,
auditifs, visuels, olfactifs, gustatifs ou imaginatifs. Le
déclenchement de cette érection passe par l'inhibition du
système nerveux orthosympathique.
- les érections réflexes
Elles sont générées par une stimulation des récepteurs
sensitifs du gland ou de la peau pénienne. Le déclenchement
passe par un arc réflexe situé au niveau sacré et aboutissant
à une réponse du système nerveux parasympathique.
- les érections nocturnes
Les phases de sommeil paradoxal sont caractérisées entre
autres par la survenue d'une érection dont le mécanisme est
encore mal connu.
Etiologie des dysfonctions érectiles et facteurs de risque
Tout ce qui peut perturber les voies neurologiques et
vasculo-tissulaires de l'érection peut perturber l'érection
pénienne.
Les causes de la dysfonction érectile peuvent être nombreuses
mais on distingue en général les dysfonctions érectiles
organiques et les dysfonctions érectiles psychogènes. Dans de
nombreux cas, les deux problèmes sont largement
intriqués.
Les causes organiques
- Causes vasculaires
> l'athérome qui est la première cause de
dysfonctionnement érectile organique,
> les principaux facteurs de risque : le tabac, les
dyslipidémies, l'hypertension artérielle et le diabète (il
multiplie par 3 à âge égal le risque d'avoir une dysfonction
érectile).
- Causes neurologiques
> par atteinte centrale : sclérose en plaques (71% des
hommes atteints de sclérose en plaque présentent une
dysfonction érectile), accident vasculaire central,
traumatisme médullaire.
> par atteinte périphérique : atteinte des nerfs érecteurs
après prostatectomie, neuropathie éthylique (l'alcoolisme
chronique peut entraîner jusqu'à 54% de dysfonctions
érectiles) ou diabétique, chirurgie urologique.
- Causes hormonales
> l'hypoandrogénie est associée avec la survenue de
dysfonctionnements érectiles, probablement par le biais d'une
diminution de l'influence des différentes stimulations
centrales.
- Les prises médicamenteuses
> Principaux médicaments impliqués dans les
dysfonctionnements érectiles : Antihypertenseurs
(bêta-bloquants en particulier), traitements hormonaux
(estrogènes, antiandrogènes centraux, agonistes de la LH-RH),
dérivés de la digitaline, Pyschotropes, Antiparkinsoniens,
Anticonvulsivants, Finastéride, Opiacés, Amphétamines.
Autres facteurs de risques : Hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, l'hypercholestérolémie totale ou le faible taux de cholestérol HDL, l'insuffisance rénale (plus de 40% des insuffisants rénaux chroniques ont une dysfonction érectile).
Les causes psychogènes
- Causes individuelles : anxiété pathologique, angoisse de performance, ignorance de la sexualité, syndrome dépressif, milieu d'origine répressif, le milieu familial et l'enfance, les facteurs de personnalité, les facteurs reliés à l'identité de genre, les phobies et les peurs.
-Causes systémiques, relationnelles : conflit entre conjoints, attitude résignée et culpabilisée de la partenaire, attitude agressive et revendicative, relation extra-conjugale, syndrome de veuvage, rupture.
-Causes comportementales : situation amenant un conditionnement négatif si certaines expériences ont été accompagnées d'angoisse et de peur ou si un évènement traumatisant est survenu.
-Causes environnementales, culturelles : situation ou condition de vie rendant l'expression de la sexualité difficile.
Typiquement, les dysérections d'origine purement psychogène se caractérisent par la conservation des érections nocturnes et matinales, par l'apparition fréquente d'une "angoisse de performance" pouvant se traduire par une difficulté au maintien de l'érection.
Diagnostic
L'interrogatoire clinique
Il est essentiel pour la prise en charge des troubles de
l'érection car il permet assez souvent à lui seul de
déterminer la nature psychogène de la dysfonciton
érectile.
Il a plusieurs objectifs :
-caractériser le symptôme :
trouble de la libido ? trouble de l'érection ? trouble de
l'éjaculation ? angoisse de performance ?,
-date d'apparition du symptôme et mode
d'évolution,
-intensité et retentissement de la dysfonction
érectile :
> dysfonction érectile sévère : disparition complète des
érections,
> dysfonction érectile modérée : phases de tumescence ou
d'érections dans certaines circonstances,
> dysfonction érectile minime : capacité d'avoir et de
maintenir une érection suffisante pour une pénétration
vaginale, sauf de manière occasionnelle
- présence ou non d 'érections nocturnes ou
matinales,
- préciser les attentes du patient et du
partenaire : sexualité avant la survenue de la
dysfonction érectile, fréquence des rapports sexuels,
motivation.
- rechercher les facteurs de
risque : tabagisme, diabète, prises
médicamenteuses, antécédents neurologiques, chirurgicaux,
recherche d'une traumatisme psychologique ou d'un stress
particulier...
Une consultation avec la partenaire dans un second temps sera souvent nécessaire pour apporter un complément d'informations : existence d'un trouble sexuel associé, conflit conjugal...
Examens cliniques
Examen de la verge et des organes génitaux
externes
- palpation des pouls péniens,
- palpation des corps caverneux (évocation d'une maladie de
La Peyronie),
- recherche d'un phimosis, d'une anomalie du positionnement
du méat urétral,
- examen testiculaire (réduction du volume testiculaire).
Examen des caractères sexuels secondairesà la recherche de signes d'hypoandrogénie
Examen neurologique du périnée
- étude de la sensibilité périnéale,
- appréciation de la contraction volontaire des muscles
ischio-jambiers,
- appréciation du tonus du sphincter anal,
- recherche du réflexe bulbo-caverneux.
Examen vasculaire périphérique et mesure de la tension artérielleà la recherche par exemple d'un souffle cardiaque
Le toucher rectal est indispensable et permet de dépister une pathologie prostatique.
Examens complémentaires
- Examens
biologiques (dosage de la glycémie, de la lipémie, de la
testostérone, des gonadotrophines, de la prolactine).
- Autres examens complémentaires : échodoppler pénien,
examens d'imagerie des corps caverneux, bilan
neuro-physiologique, test à la papavérine.
Diagnostic différentiel
Le moyen le plus efficace pour poser un diagnostic différentiel entre étiologie organique et étiologie psychogène est la mesure de la tumescence pénienne nocturne par pléthysmographie
#COVID-19 : le point de situation épidémiologique sur le coronavirus SARS-CoV-2
Descripteur MESH : Consensus