Cancer du col de l'utérus : une nouvelle piste pour éliminer les cellules infectées par le papillomavirus
Des chercheurs allemands ont réussi à induire l'apoptose de cellules cancéreuses infectées par le papillomavirus HPV16 grâce à la sélection de peptides artificiels "thérapeutiques". Ces expériences ont permis non seulement de préciser le rôle essentiel de la protéine virale E6 mais elles ouvrent également la voie au développement de nouvelles molécules ciblées contre les cellules infectées par ce virus.
Certains papillomavirus comme le HPV16 et HPV18 ont été identifiés comme étant les agents étiologiques de cancers du col utérin. L'activité oncogène de ces virus a été liée à l'expression des protéines virales E6 et E7 dans les cellules infectées. Il a été établi que la protéine E6 interagit avec la protéine cellulaire p53 (suppresseur de tumeurs), cette interaction conduit à la dégradation de la protéine p53 et donc à la perte d'une protéine essentielle à la modulation de l'apoptose.
L'équipe de F. Hoppe-Seyler (Angewandte Tumorvirologie, Heidelberg) a utilisé des peptides synthétiques de haute affinité pour E6 du HPV16 afin de bloquer l'activité de cette protéine virale.
"A notre connaissance, cette étude est la première à montrer qu'il est possible d'éliminer des cellules cancéreuses infectées par un virus en attaquant une protéine virale anti-apoptotique", déclarent les auteurs.
La sélection de ces peptides de haute affinité s'est faite grâce à la technique des "aptamères". Elle consiste à générer au hasard des oligonucléotides codant pour des peptides de 20 acides aminés. Ces oligonucléotides sont introduits (un à un) dans des levures qui permettent la sélection des peptides de haute affinité pour la protéine virale E6. Au total, 2 millions de clones de levure ont été criblés par cette technique et 17 ont été retenus.
Les 17 peptides retenus se fixaient de façon spécifique à la protéine E6. Ils ont été exprimés dans des cellules cancéreuses du col de l'utérus HPV positives et l'effet éventuel de ces molécules a été évalué en mesurant la croissance de ces cellules cancéreuses.
Il apparaît que deux d'entre eux présentaient une forte activité contre les cellules HPV16 positives et ont entraîné une réduction de 90 % de la croissance. Cette inhibition de croissance était spécifique des cellules cancéreuses infectées par HPV16: aucun effet n'a été enregistré dans le cas de cellules de cancer du sein, de carcinomes pulmonaires ou de cellules cancéreuses du col de l'utérus infectées ou non par HPV 18.
Les chercheurs ont montré que l'inhibition de croissance était due à l'induction de l'apoptose dans les cellules qui exprimaient un de ces deux peptides. Il a été noté une augmentation du taux de protéines p53 dans ces cellules ce qui laisse suggérer que le peptide, en se fixant sur la protéine virale E6, inhibe la dégradation de p53 médiée par E6.
Ces résultats montrent que la protéine virale E6 agit comme un effecteur anti-apoptotique indispensable à la survie des cellules tumorales infectées.
"Les protéines virales sont des cibles intéressantes pour une intervention thérapeutique car elles permettent l'attaque spécifique des cellules infectées". Les scientifiques ajoutent également que "l'induction de l'apoptose, plutôt qu'un blocage de la croissance, serait particulièrement souhaitable pour des agents thérapeutiques, parce que ces agents ne nécessitent pas de traitement continu".
Outre l'aspect purement virologique de ces travaux, il ne paraît pas illusoire d'espérer que la découverte de ces peptides "thérapeutiques" pourra être utilisée pour le développement de petites molécules qui ciblent spécifiquement les cellules cancéreuses et les cellules dysplasiques infectées par le HPV.
Source : Proceedings of The National Academy of Sciences 2000;97(12):6693-6697. Article publié avant impression papier prévue dans le numéro du 6 juin 2000.
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