Les deux visages des inhibiteurs de la COX-2
Développés dans le but de présenter un profil avantageux par rapport aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en matière d'effets secondaires digestifs, les antagonistes de la cyclooxygénase-2 (COX-2) inhibent en fait l’angiogénèse, processus pourtant essentiel dans la cicatrisation des ulcères. Telle est la conclusion d’un article publié dans la dernière livraison de Nature Médicine, qui souligne en revanche l'intérêt de l'action antiangiogénique des AINS pour s'opposer à la croissance tumorale.
" Ces résultats mettent en cause le principe selon lequel les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 n’affecteraient pas le tractus gastro-intestinal et la cicatrisation des plaies et des ulcères ", déclarent Andrzej Tarnawski et ses collaborateurs du Veterans Affairs Medical Center de Long Beach (Californie).
Les auteurs rappellent que l’angiogénèse, autrement dit la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, est indispensable non seulement à la croissance des tumeurs solides et au développement des métastases. Elle joue également un rôle important dans le processus de cicatrisation des plaies et des ulcères, dans la mesure où l’oxygène et les nutriments ne peuvent être délivrés au site lésé sans restauration préalable du flux sanguin.
Les AINS, qui comptent parmi les médicaments les plus prescrits, entraînent des ulcères gastro-duodénaux chez environ 25 % des patients et retardent la guérison de l’ulcère du fait d’une inhibition de la synthèse de prostaglandines par les deux isoformes des cyclooxygénases : la COX-1 et la COX-2.
L’hypothèse selon laquelle les effets délétères des AINS sur le tractus gastro-intestinal résulteraient d’une inhibition de COX-1, mais pas de COX-2, a stimulé plusieurs firmes pharmaceutiques à développer des antagonistes sélectifs de la COX-2, comme le celecoxib et le rofecoxib.
Michael Jones et ses collègues montré cependant que les AINS, sélectifs et non sélectifs, inhibent in vitro l’angiogénèse par un mécanisme direct sur les cellules endothéliales. Ainsi, " la COX-1 et la COX-2 jouent toutes les deux un rôle important dans la régulation de l’angiogénèse ".
Ces résultats sont à mettre en parallèle avec de récentes études in vivo chez le rongeur montrant que des antagonistes sélectifs de COX-2 retardent la cicatrisation d’ulcères expérimentaux. Pour les auteurs, " il est maintenant certain que la COX-2, en plus de la COX-1, est nécessaire à une cicatrisation sans entrave de la muqueuse gastrique comme à la défense de la muqueuse gastro-intestinale".
Toutes ces données soulèvent donc " la question de savoir si les antagonistes sélectifs de la COX-2 seront plus sûrs pour le tractus gastro-intestinal que les AINS classiques non sélectifs ", notent Steven Shiff et Basil Rigas (Université Rockefeller, New York) dans un éditorial accompagnant l’article.
Selon eux, cette " alarmante éventualité doit certainement être considérée mais devrait être mise en perspective ". En effet, soulignent-ils, les ulcères qui surviennent sous AINS cicatrisent même chez les patients qui continuent à en prendre, il en est ainsi pour 75 % de ces ulcères. " Des études cliniques sont donc nécessaires pour résoudre cette importante question ".
Chimioprévention anti-cancéreuse
Parallèlement à ces données potentiellement négatives, plusieurs études récentes indiquent, de façon pratiquement certaine, que les AINS ont une action préventive dans le cancer du colon. D’autres données indiquent qu’ils pourraient également être utiles dans la prévention du cancer du poumon, de l’œsophage, de l’estomac.
Les mécanismes responsables ne sont pas complètement compris, mais il semble que les AINS aient plusieurs cibles dans le processus de cancérogénèse. En fait, " il est probable que des AINS inhibiteurs sélectifs de la COX-2 seront aussi utilisés en chimioprévention de certains cancers ".
Pour les éditorialistes, " il est clair aujourd’hui que les AINS excercent une multitude d’effets physiologiques, certains médiés par des mécanismes COX-dépendants ou COX-indépendants, et que d’autres, comme l’inhibition de l’angiogénèse, impliquent ces deux types de mécanismes. Une meilleure compréhension des modes d’action des AINS améliorera la sécurité et l’efficacité de ces médicaments, de même que d’autres types d’inhibiteurs de l’angiogénèse dans lesquels on place beaucoup d’espoir comme anticancéreux majeurs pour le siècle prochain ".
Nature Medicine, Vol. 5, N°12, décembre 1999, 1418-23 et 1348-9.
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