L’étude « Explore COVID-19 » éclaire les mécanismes immunitaires à l’œuvre dans le Covid-19 et passe en phase 2 pour évaluer l’anticorps anti-C5aR
Dans le cadre de Marseille Immunopôle (MI), un groupe d’hôpitaux marseillais associant les services d’urgence, de soins intensifs et de médecine interne des Hôpitaux Universitaires de Marseille - AP-HM (Hôpital de la Timone et Hôpital Nord) et de l’HIA Laveran, la plateforme d’immunoprofiling MI/AP-HM et la société de biotechnologie Innate Pharma dévoilent les résultats d’EXPLORE COVID-19, publiés en libre accès sur Research Square.
Ce projet de recherche translationnel avait pour but de mieux comprendre la réponse immunitaire des patients atteints de COVID-19 et d’identifier des approches d’immunothérapies qui permettraient de combattre l’infection virale.
L’immunologie du COVID-19
Le système immunitaire joue un double rôle dans le COVID-19. Une fois qu’ils ont identifié le SARS-CoV-2, nos globules blancs s’activent, éliminent le virus en quelques jours avant de revenir à leur état normal. Cette séquence est retrouvée chez tous les patients dont la grande majorité présente peu ou pas de symptômes. Chez 15 % d’entre eux, cette phase est néanmoins suivie d’une tempête immunitaire : alors qu’il a « terminé le travail », le système immunitaire s’emballe entrainant une hyperinflammation des poumons : le patient ressent une gêne respiratoire qui peut déboucher sur un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA).
À ce jour, les mécanismes immunitaires impliqués dans les deux phases de la maladie sont encore mal compris et aucun traitement n’a démontré son efficacité contre le COVID-19, notamment dans les formes sévères qui sont à l’origine de la plupart des décès.
Résultats de l’étude EXPLORE COVID-19
En analysant la réponse immunitaire de 82 patients à différents stades de la maladie (pauci-symptomatiques, atteints d’une pneumonie ou d’un SDRA), les chercheurs ont pu préciser une partie de la dynamique immunitaire à l’œuvre dans le COVID-19. Ils ont ainsi confirmé que la lymphopénie (une baisse du taux de globules blancs qui touche à la fois les cellules T, B et NK) augmentait avec la sévérité de la maladie et identifié des freins immunitaires induits par le SARS-CoV-2. Dans les formes sévères, on obverse ainsi une augmentation de l’expression des récepteurs inhibiteurs PD-1 et NKG2A à la surface des cellules T et NK tandis que ces dernières surexpriment le récepteur CD39.
Ces dernières données soutiennent le rationnel des essais cliniques en cours et potentiels avec les inhibiteurs de ces points de contrôle immunitaires aux premiers stades de COVID-19.
Enfin, dans le sang des patients atteints d’une forme sévère de COVID-19, les chercheurs ont rapporté que le niveau de C5a, un peptide hautement inflammatoire de la cascade du complément, augmentait avec la gravité de la maladie. Ils ont alors montré que les cellules myéloïdes présentes dans les alvéoles pulmonaires de ces mêmes patients surexprimaient, C5aR1, le récepteur de C5a.
Ceci est conforme au rôle clé bien connu de la voie C5a/C5aR dans la surproduction de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-6, TNF ? notamment, la tempête de cytokines, signalée dans plusieurs infections virales (SARS-Cov-1, H1N1, H5N1…), mais aussi, comme l’ont montré les chercheurs, dans le COVID-19.
Sur la base de ces résultats, Innate Pharma a récemment annoncé le début d’un essai clinique de phase II randomisé en double aveugle, baptisé FORCE [1], évaluant la sécurité et l’efficacité de son anticorps anti-C5aR, l’avdoralimab (IPH5401), chez des patients atteints de pneumonie sévère due au COVID-19.
« Cette étude démontre une nouvelle fois que lors des infections virales les mécanismes immunitaires qui permettent à l’organisme de mettre naturellement un terme à la phase inflammatoire peuvent s’emballer et devenir délétères » souligne le Pr Éric VIVIER, Professeur à l’AP-HM — Université d’Aix-Marseille — Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, Directeur scientifique d’Innate Pharma et Coordinateur de Marseille Immunopôle. « Nous avons observé de fortes concentrations sanguines de la protéine C5a et une surexpression de son récepteur à la surface des cellules myéloïdes, un mécanisme dont on sait qu’il contribue à l’hyperinflammation des poumons. Ainsi, une fois activé par des protéines du SARS-CoV-2, le duo C5a/C5aR entraine l’attraction et l’activation de polynucléaires neutrophiles et de macrophages, contribuant à la tempête cytokinique à l’œuvre dans les pneumonies liées au COVID-19. C’est ce mécanisme nocif que nous tentons aujourd’hui de bloquer à l’aide de l’anticorps anti-C5aR. »
« Au cours de cette étude longitudinale, nous avons analysé 40 paramètres qui témoignent de la réponse immunitaire au SARS-CoV-2. Nous avons ainsi pu mesurer l’implication des cellules lymphoïdes, des cellules myéloïdes et de différents points de contrôle immunitaire aux deux phases du COVID-19 et identifier des pistes thérapeutiques potentielles » rappelle le Dr Frédéric VELY, Maitre de Conférence en Immunologie à l’Université Aix-Marseille, Directeur de la plateforme d’immunoprofiling MI/AP-HM de l’Hôpital de la Timone. « Ainsi, au-delà de l’anti-C5aR, des anticorps d’immunothérapie déjà développés dans le cancer comme ceux bloquant les récepteurs CD39, PD-1 et NKG2A pourraient permettre de stimuler l’action des lymphocytes T et NK aux premiers stades de la maladie. »
« Nous savons désormais que le COVID-19 est une maladie systémique qui touche de multiples organes et tissus, mais la détresse respiratoire reste le principal problème auquel sont confrontées les équipes de réanimation » témoigne le Dr Julien CARVELLI, médecin-réanimateur à l’unité de soins intensifs de l’Hôpital de la Timone (AP-HM) « Pour donner aux poumons le temps de se reconstituer, nous avons recours à un ventilateur voire à un respirateur artificiel, mais le processus est long, il peut entrainer des séquelles et se révéler parfois insuffisant. Nous avons donc plus que jamais besoin d’un traitement qui nous permette de réduire le temps passé sous respirateur et de sauver des vies. »
« Ces résultats sont importants puisqu’ils vont enrichir nos connaissances sur la physiopathologie de ces syndromes et ouvrir sur des essais thérapeutiques randomisés en double-aveugle contre placebo » ajoute Emilie GARRIDO-PRADALIE, Directrice de la Recherche Clinique et de l’Innovation à l’AP-HM « Au-delà de cette aventure scientifique et médicale, EXPLORE COVID-19 est aussi une histoire humaine. Pour nous mobiliser vite, délivrer efficacement, mais aussi rigoureusement, nous avons besoin de talents, mais aussi de beaucoup d’engagement et de solidarité. Ces qualités font la force du collectif Marseille Immunopôle. »
Innate Pharma a financé l’étude EXPLORE COVID-19 qui a été conduite dans ses laboratoires de Marseille-Luminy ainsi que dans le laboratoire d’immunoprofiling MI/AP-HM de l’Hôpital de la Timone, sous la direction du Dr Frédéric VELY.
Identification of immune checkpoints in COVID-19| DOI:10.21203/rs.3.rs-27340/v1
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