Paludisme : la combinaison artésunate + méfloquine devrait être envisagée avec précaution
Le succès du traitement antipaludéen artésunate + méfloquine en Thaïlande ne devrait pas être étendu aux autres pays et notamment en Afrique. Des médecins thaïlandais déclarent dans le Lancet qu'il est encore trop tôt pour affirmer que l'addition d'artésunate a bloqué la progression de la résistance à la méfloquine en Thaïlande. De plus, le profil épidémiologique du paludisme en Afrique est très différent, ce qui pourrait considérablement limiter l'application de ce traitement dans des zones endémiques.
Selon le Dr C. Wongsrichanalai (Armed Forced Research Institute of Medical Science, Bangkok) et ses collaborateurs, la situation épidémiologique particulière de la Thaïlande et la présence d'infrastructures efficaces dans ce pays ont largement contribué au succès de cette stratégie de lutte contre le paludisme. L'association artésunate + méfloquine ne serait qu'un élément du contrôle de la maladie.
Les auteurs soulignent que "Même si ce schéma thérapeutique devenait un réel succès, l'extrapolation de l'expérience de la Thaïlande à d'autres pays sans comprendre l'épidémiologie locale et les activités de contrôle pourrait être une erreur".
A ce sujet, ils rappellent qu'en 1998, le nombre de victimes du paludisme en Thaïlande s'élevait à 600 adultes alors qu'en Afrique environ 1 million d'enfants meurent chaque année de cette affection.
Un autre problème relève directement des deux médicaments. Les deux molécules ont une demi-vie très différente (30-45 min pour l'artésunate et 3 semaines pour la méfloquine). "Lorsqu'ils sont utilisés ensemble, la méfloquine exercera une pression de sélection significative en présence de transmission du paludisme". De ce fait, cette association ne devrait pas être employée dans des régions endémiques comme l'Afrique tropicale, où il est impossible de réduire la transmission à un degré suffisant pour éviter la sélection de Plasmodium résistants [à la méfloquine].
Enfin, un tel traitement serait efficace seulement si la plupart des sujets infectés étaient traités mais cette éventualité est contrariée par la présence de nombreux patients asymptomatiques en Afrique.
L'urgence d'un traitement efficace est indéniable et doit être associée à une amélioration du diagnostic et des infrastructures sanitaires, ajoutent les auteurs.
Selon eux, si l'association artésunate + méfloquine est retenue, il faudra absolument éviter qu'une de ces molécules soit prise sans son partenaire, afin d'éviter les résistances.
Source : Lancet 2000;355:2245-47
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