L'analyse des coûts sert de nombreux objectifs

Les analyses des coûts peuvent également être conçues pour étudier des questions plus restreintes, comme celui de comparer les différents services d'un programme ou d'un dispensaire. Des exemples de ces études sont l'analyse des coûts entraînés par l'utilisation de l'implant Norplant dans des programmes de planification familiale en Thaïlande, et la question de savoir si l'on devrait changer le nombre de visites médicales de suivi pour les utilisatrices de dispositifs intra-utérins (DIU) en Equateur.

Toutes les ressources doivent être examinées, en particulier l'utilisation du personnel.

Les études des coûts doivent tenir compte de toutes les ressources en jeu, et en particulier de l'utilisation du personnel. Certains coûts sont relativement faciles à mesurer, comme celui des fournitures. Cependant le calcul du coût du temps utilisé par le personnel pour un service donné implique des recherches sur le terrain.

"Il faut découvrir comment le personnel utilise son temps", fait observer le docteur Barbara Janowitz, qui dirige les recherches économiques à FHI. "Le seul moyen de le faire est de se rendre au dispensaire ou sur les lieux où les services sont fournis. C'est l'élément crucial d'une approche dans lequel un programme est conçu comme un système qui utilise des ressources précises pour obtenir les services désirés." Le docteur Janowitz et ses collègues ont mis au point un guide pour aider les directeurs de programmes à utiliser une telle méthode d'analyse du système.1

Une meilleure utilisation du personnel

Le gouvernement mexicain a analysé, en collaboration avec FHI, un système national qui fournit 16 pour cent de tous les services de planification familiale au Mexique. Une utilisation plus efficace du personnel permettrait d'accroître considérablement le nombre de clients servis, indique cette étude.

L'étude a montré que les infirmières travaillent en moyenne 6,5 heures par jour et les médecins 6,25 heures par jour, y compris les pauses. Les autorités gouvernementales estiment qu'une journée de travail de huit heures serait raisonnable. De plus, le personnel sanitaire passe moins de la moitié de son temps à fournir des services directs aux clients (les infirmières leur consacrent 38 pour cent de leur temps et les médecins 47 pour cent.) Le reste du temps est utilisé à des réunions, à des tâches administratives, à l'oisiveté et à des activités personnelles.

En adoptant la journée de travail de huit heures et en obtenant que les prestataires consacrent les deux-tiers de leur temps aux clients, "l'efficacité des services pourrait être augmentée, dans le cadre du système actuel, pour satisfaire une demande croissante jusqu'à l'an 2010", conclut cette étude. Ceci permettrait au système d'étendre ses services actuels et de les faire passer du chiffre actuel de 1,5 million d'années-couples de protection à 1,8 million en l'an 2010, et cela sans personnel supplémentaire. Pour toutes les méthodes de contraception, la moyenne du coût par année-couple de protection passerait d'environ 26,40 dollars en 1995 à 24 dollars en 2010.

Cette étude a montré "comment le ministère de la Santé peut maîtriser les coûts du programme tout en continuant à satisfaire les besoins d'une population qui ne fait que croître", déclare le docteur Gregorio Pérez-Palacios, directeur général de la santé reproductive au ministère mexicain de la Santé. Elle a aussi montré que le coût d'une année-couple de protection pourrait être réduit grâce à l'augmentation du nombre d'unités de contraception (pour les contraceptifs oraux et les préservatifs) fournies à chaque visite au dispensaire et en passant d'un contraceptif injectable mensuel à un contraceptif injectable trimestriel.2

Dix équipes de chercheurs ont observé les médecins et les infirmières dans des hôpitaux, des dispensaires urbains et ruraux et des établissements auxiliaires. Le coût de la main-d'oeuvre des prestataires a été évalué et en y ajoutant les coûts du capital, des produits et d'autres dépenses, on a pu calculer le coût par année-couple de protection des diverses méthodes de contraception.

Comme au Mexique, la prévalence de la contraception s'est rapidement accrue au Bangladesh, passant de 8 pour cent dans les années 1970 à 45 pour cent dans la décennie en cours. Les autorités du Bangladesh ont étudié, en coopération avec FHI, la capacité de leurs programmes communautaires et de leurs dispensaires, en supposant un accroissement constant de la demande de services.

Comme dans le cas du Mexique, les auteurs de l'étude ont observé la façon dont le personnel utilisait son temps, se basant sur ces données et sur d'autres renseignements pour calculer le coût de l'année-couple de protection correspondant à chaque méthode de contraception. Les agents locaux du gouvernement consacraient environ 3,75 heures par jour à leur travail, les deux-tiers de ce temps en déplacement et un tiers avec les clients. Une surveillance des agents locaux de planification familiale visant à établir s'ils travaillaient et, dans l'affirmative, le temps qu'ils consacraient à leurs activités professionnelles a permis de constater que les congés non autorisés représentaient environ 20 pour cent du coût de chaque agent.

Si l'absentéisme des agents locaux était éliminé et si on augmentait d'une heure la durée de leur travail quotidien, le coût de la main-d'oeuvre par année-couple de protection passerait de 3,05 dollars à 1,97 dollars pour les contraceptifs oraux, soit une diminution d'un tiers. Grâce à cette meilleure utilisation du temps du personnel, le nombre d'agents locaux nécessaires d'ici l'an 2004 ne serait que de 17.118, comparé aux 23.500 employés en activité en 1994. Toutefois, chacun d'eux serait responsable de près du double de couples, soit 1.382 au lieu des 719 couples qu'ils reçoivent actuellement chaque année. Si leur emploi du temps ne change pas, le programme devra accroître de plus du tiers le nombre de ses employés et le porter à 32.861, ce qui fera passer le coût total de 24 à 33 millions de dollars.

"L'accroissement de la productivité permettrait aux systèmes actuels de faire face à la demande anticipée pour 2004", conclut une étude de FHI. Mais le maintien de services de qualité et de bonnes méthodes de gestion est également indispensable, déclarent ses auteurs. "L'important est de savoir si ces changements sont réalistes dans la mesure où ils supposent des efforts accrus d'assiduité au travail de la part des agents locaux."3 Cette étude ne montre pas comment le gouvernement réduirait l'absentéisme et augmenterait le temps de travail. Elle souligne toutefois qu'une étude similaire a révélé que les agents locaux d'organisations non gouvernementales (ONG), dont les salaires sont comparables à ceux des agents du gouvernement, sont moins souvent absents et consacrent plus de temps aux visites à domicile que les employés du gouvernement.4 Ceci incite à penser que les ONG offrent peut-être des incitations dont on pourrait faire bénéficier les employés du gouvernement, afin d'obtenir de meilleurs résultats dans l'exécution de leurs tâches.

Des décisions précises

Les études des coûts peuvent aussi porter sur des questions précises auxquelles ont à faire face les planificateurs de programmes ou les décideurs, comme l'introduction d'une nouvelle méthode de contraception ou la révision des directives relatives à une méthode existante.

Une étude réalisée en Thaïlande a révélé que le coût de la main-d'oeuvre, de l'approvisionnement et des produits relatifs à l'implant contraceptif Norplant atteindrait 9,40 dollars par année-couple de protection, comparé à environ 5 dollars pour les contraceptifs injectables et à 1,4 dollars pour les DIU. En outre, la plupart des nouvelles utilisatrices du Norplant interrogées dans le cadre de cette étude ont indiqué qu'elles auraient utilisé une autre méthode moderne si elles n'avaient pas eu accès au Norplant. Il serait donc moins coûteux pour le gouvernement de fournir des contraceptifs injectables et des DIU plutôt que le Norplant. Le gouvernement a dû décider s'il allait soit acheter du Norplant en vue d'une distribution généralisée, même si des options moins coûteuses étaient disponibles; soit demander un prix plus élevé aux utilisatrices; soit encore limiter la fourniture du Norplant à certains groupes comme les femmes vivant dans des régions isolées ou celles qui avaient décidé de ne plus avoir d'enfants mais ne voulaient pas être stérilisées.5

"Peu après l'introduction de cette méthode, il a été décidé de fournir des implants à quelques groupes-cibles d'utilisatrices vivant dans des régions isolées et non pas à l'ensemble de la population", indique le docteur Kanchana Kanchanasinith du ministère thaïlandais de la Santé publique. Cette décision était influencée par la quantité limitée des fournitures et par la forte demande. Récemment, davantage de fournitures ont été disponibles pour servir toutes les clientes qualifiées qui demandaient à utiliser le Norplant. Les femmes paient environ 20 pour cent du coût de ce dispositif (environ 4,27 dollars sur un prix total de 19,25 dollars).

Les analystes soulignent les inconvénients que l'on court en basant les décisions en matière de services de planification familiale entièrement sur le calcul du coût de l'année-couple de protection. L'année-couple de protection ne tient compte ni des différents taux d'échec au cours de l'utilisation normale d'une méthode quelconque, ni d'autres éléments importants comme la nécessité pour une cliente d'utiliser les préservatifs ou d'autres méthodes de barrière pour se protéger des maladies sexuellement transmissibles, ni des perceptions et préférences des clientes.6

Une étude réalisée en Equateur par le Centro Médico de Orientación y Planificación Familiar (CEMOPLAF) a examiné les économies potentielles que permettrait de réaliser la réduction du nombre de visites de suivi des utilisatrices de DIU sans mettre en danger la santé des intéressées. Cette étude, dans le cadre de laquelle 5.000 femmes ont été interrogées, a révélé qu'une visite de suivi permettrait de dépister 66 pour cent des problèmes de santé, tandis que les quatre visites prescrites permettraient d'en découvrir 73 pour cent. En passant à une seule visite, on réaliserait d'importantes économies.7 CEMOPLAF a opéré ce changement, ce qui a permis à son personnel d'offrir d'autres services, notamment davantage de soins aux clientes qui souffraient de problèmes de santé. En même temps, le programme prévenait les utilisatrices de DIU qu'elles devraient revenir pour une visite supplémentaire si elles souffraient de douleurs abdominales.

Au Honduras, l'Asociación Hondureña de Planificación de Familia (ASHONPLAFA) a découvert, en collaboration avec FHI, que ses deux plus grands dispensaires assuraient 68 pour cent des services fournis en 1991. Quatre dispensaires plus petits fournissaient le reste et leurs frais fixes étaient généralement identiques. Cela voulait dire que le coût moyen par cliente était beaucoup plus élevé dans les petits dispensaires. En trouvant des moyens d'accroître l'utilisation des quatre petits dispensaires, on étalerait les frais fixes sur un plus grand nombre de visites, réduisant ainsi le coût moyen des services.8

Comparaison avec d'autres services

Certaines études des coûts comparent la valeur de la planification familiale à celle d'autres frais de santé.

Dans une analyse coûts-avantages réalisée au Mexique, on a examiné si les services de planification familiale de l'Instituto Mexicano de Seguro Social (IMSS) économisaient de l'argent en réduisant la demande pour les soins de santé maternelle et infantile. Cette étude était basée sur les données des coûts de 37 hôpitaux et dispensaires IMSS. Elle a révélé que chaque peso dépensé par l'IMSS pour les services de planification familiale dans sa population urbaine pendant une période de 12 années avait économisé neuf pesos à ses services de soins de santé maternelle et infantile, grâce aux 3,6 millions de naissances évitées durant la période couverte par cette étude.9

Dans une étude récente réalisée aux Etats-Unis, on a comparé le coût de 15 méthodes différentes de contraception aux coûts de santé entraînés par la non-utilisation d'une méthode quelconque de contraception et on a constaté que toutes les méthodes étaient moins coûteuses que les frais de santé dus aux grossesses non désirées résultant de la non-utilisation d'une méthode de contraception. Les auteurs de l'étude concluaient également que "tenir compte du coût des acquisitions payées d'avance était un moyen inexact de prédire le coût économique total des méthodes de contraception en concurrence."10

Une récente étude réalisée en Grande-Bretagne a abouti aux mêmes conclusions, signalant que toutes les méthodes de contraception avaient permis au National Health Service de réaliser des économies nettes parce que les services de planification familiale sont moins coûteux que tous les soins occasionnés par des grossesses non planifiées. La réduction de ces grossesses accidentelles a permis des économies supplémentaires sur le plan des prestations sociales. 11

Ces études examinaient les coûts associés aux grossesses non désirées encourus par les assurances maladies, qui impliquent des systèmes d'assurance particuliers aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne. Les conclusions de ces deux études ont néanmoins des conséquences pour les pays en développement, où les gouvernements financent souvent la plupart des soins de santé couverts par des assurances privées dans certains pays occidentaux.

D'autres problèmes de santé reproductive ont également été analysés. Dans une étude récente faite en Tanzanie, des chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medecine et d'ailleurs ont conclu que l'efficacité-coût des mesures de prévention des infections par le VIH se comparait favorablement à celle d'autres programmes efficaces de médecine préventive comme les programmes d'immunisation infantile. Les scientifiques sont parvenus à cette conclusion en comparant le coût des interventions au nombre d'infections par le VIH qui avaient été prévenues.12

-- William Finger

 

Notes

  1. Janowitz B, Bratt JH. Methods for Costing Family Planning Services. Durham, NC: United Nations Population Fund and Family Health International, 1994.
  2. Hubacher D, Holtman M, Fuentes M, et al. Family Planning Services at the Mexican Ministry of Health: Current Costs and Future Considerations. Final Report. Durham: Family Health International, 1997.
  3. Janowitz B, Holtman M, Hubacher D, et al. Can the Bangladeshi family planning program meet rising needs without raising costs? Int Fam Plann Perspect 1997;23(3):116-21,145.
  4. Janowitz B, Jamil K, Chowdhury J, et al. Productivity and Costs for Family Planning Service Delivery in Bangladesh: The NGO Program. Durham, NC: Family Health International, 1996.
  5. Janowitz B, Kanchanasinith K, Auamkul N, et al. Introducing the contraceptive implant in Thailand: impact on method use and costs. Int Fam Plann Perspect 1994;20(4):131-36.
  6. Shelton JD. What's wrong with CYP? Stud Fam Plann 1991;22(5):332-35.
  7. Foreit J, Bratt J, Foreit K, et al. Cost control, access and quality of care: the impact of IUD revisit norms in Ecuador. Unpublished paper. Population Council, 1994.
  8. Bratt JH, Suazo M, Santos H. Costs of Family Planning Services Delivered Through ASHONPLAFA Programs. Final Report. Durham: Family Health International, 1993.
  9. Nortman DL, Halvas J, Rabago A. A cost-benefit analysis of the Mexican Social Security Administration's family planning program. Stud in Fam Plann 1986;17(1):1-6.
  10. Trussell J, Leveque JA, Koenig JD, et al. The economic value of contraception: a comparison of 15 methods. Am J Public Health 1995;85(4):494-503.
  11. McGuire A, Hughes D, Walsh J, et al. The economics of family planning services. Unpublished paper. London Family Planning Association, 1995.
  12. Gilson L, Mkanje R, Grosskurth H, et al. Cost-effectiveness of improved treatment services for sexually transmitted diseases in preventing HIV-1 infection in Mwanza region, Tanzania. Lancet 1997;350(9094):1805-9.

    Network, Hiver 1998, Volume 18, Numéro 2 .
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